LA CRIMINOLOGIE

La prise en charge criminelle des abuseurs sexuels

Prise en charge des Abuseurs Sexuels

A. PRESENTATION DE QUELQUES CENTRES ET SERVICES


1.INSTITUT PHILIPPE PINEL

Cet institut fut construit en 1965 sur la recommandation de la Commission d'Etude des hôpitaux psychiatriques étant donné le nombre élevé de malades difficiles dans une architecture carcérale non appropriée.

Actuellement, ce centre hospitalier affilié à l'Université de Montréal est le seul hôpital sécuritaire de Montréal et doit remplir une mission qui s'inscrit sur trois axes:

1. L'évaluation et le traitement

Comme dans tout autre hôpital, le personnel de l'Institut diagnostique, évalue, soigne. Pour traiter une clientèle aux prises avec des problèmes de santé mentale auxquels viennent s'ajouter, dans une large proportion des cas, des problèmes judiciaires, l'Institut a dû développer une expertise toute particulière en psychiatrie légale.


2. L'enseignement

Hôpital psychiatrique universitaire, l'Institut, en vertu de contrats d'affiliation avec l'Université de Montréal, reçoit des résidents en psychiatrie et des stagiaires en diverses disciplines. Ces étudiants bénéficient de l'expertise particulière de l'institut et contribuent à son dynamisme.


3. La recherche

Le centre de recherche de l'Institut Philippe Pinel de Montréal effectue des travaux de recherche portant sur les aspects biologiques, sociologiques ou psychologiques des phénomènes de la violence et de la dangerosité, travaux qui sont nécessaires pour mieux comprendre les comportements des patients. Il publie ces travaux de façon à ce que les autres chercheurs, cliniciens et administrateurs puissent les utiliser. Pour chacun des domaines, l'Institut se retrouve à la pointe des développements en psychiatrie légale.

D'une capacité maximale de 300 lits, l'institut dispose de 15 unités dont une, l'unité A2, créée en 1979, est réservée à une clientèle de délinquants sexuels condamnés qui permet de répondre à une demande importante en provenance de l'ensemble des pénitenciers du territoire québécois qui abritaient près de 200 délinquants sexuels. Ceux-ci ne recevaient pas de traitement spécialisé à l'intérieur des pénitenciers. En outre, les ressources extérieures pour assurer un suivi adéquat étaient nettement insuffisantes.

Au départ, l'unité de traitement se caractérisait par une approche psychiatrique. Des modalités thérapeutiques spécifiques ont été graduellement ajoutées à l'arsenal thérapeutique :

Education sexuelle,

Entraînement aux habiletés sociales,

Thérapie de groupe,

Thérapie aversive,

Pharmacothérapie anti-androgène,

Groupe de prévention de la récidive,

Thérapie individuelle et familiale, si indiquées.

Conçu idéalement pour deux ans, le programme de traitement pour agresseurs sexuels de l'Institut Philippe Pinel de Montréal intègre des modalités cognitivo-behavioristes et psycho-dynamiques.


Plutôt que de se cantonner dans une approche théorique unique, les responsables de ce programme ont préféré offrir à chaque client une approche individualisée, adaptée à ses capacités et à ses déficits.

A peu près 40 candidats sont proposés par an mais seules 21 places sont disponibles. L'équipe complète de cette unité comprend 15 membres du personnel.

Les critères de sélection des patients sont les suivants :


.Niveaux de reconnaissance de la culpabilité et de la responsabilité,
.Niveaux de reconnaissance d'une problématique sexuelle délictuelle,
.Niveaux de reconnaissance d'une problématique générale de vie,
.Admissibilité à la libération conditionnelle dans un délai de 18 mois.
Sont exclus :


.Les personnes présentant une déficience intellectuelle,
.Les personnes présentant une atteinte cérébrale organique,
.Les personnes ayant commis un meurtre sexuel.

Durant la première période, une évaluation psychiatrique et criminologique, comportant notamment une analyse fantasmatique et pléthysmographique , est effectuée.

Après trois semaines, l'équipe rencontre le patient et met en place une stratégie de traitement parmi les différentes possibilités offertes. Tous les deux mois, le cas sera discuté en équipe.

A tout moment, le traitement peut être interrompu après décision de l'équipe ou à la demande du patient.

Dans ce cas, ce dernier retourne au pénitencier.

Réflexions

Si le contexte de l'évaluation et du traitement du délinquant sexuel à l'Institut paraît idéal dans son organisation (évaluation, traitement, enseignement, recherche) et dans sa structure (hôpital disposant d'un personnel considérable), il appelle cependant quelques réserves.

Le choix tout particulier des techniques de type behavioral-cognitif laisse en pratique peu de place au travail dynamique et à la recherche du sens de l'acte dans le processus d'une vie plutôt que dans les moments qui ont précédé cet acte. Il est souhaitable d'insister sur la multidisciplinarité du personnel mais également sur le pluralisme thérapeutique de manière équivalente.

La seconde réserve concerne "l'après Pinel" puisque lorsque l'année de traitement est écoulée, les détenus retournent dans leur prison d'attache dans l'attente de la libération conditionnelle à partir de laquelle un programme de traitement sera réinstallé. Il est sans doute regrettable qu'il existe un intervalle entre le traitement et leur sortie où un continuum thérapeutique n'est pas mis en place de manière à renforcer les acquis et à préparer la sortie.2. LE CENTRE REGIONAL DE RECEPTION DE MONTREAL (C.R.R.)

Le Centre Régional de Réception évalue en permanence 250 détenus pour une période de six semaines (1300 détenus par an). Un autre département est affecté au CRR, l'Unité Spéciale de Détention, qui comprend 70 détenus considérés comme très dangereux avec un risque de passage à l'acte agressif.

Ce centre a pour but d'effectuer un bilan général du détenu comprenant les volets suivants :


Evaluation physique et médicale,
Evaluation criminologique,
Evaluation de son "employabilité" professionnelle,
Evaluation psychiatrique,
Evaluation psychologique,
Evaluation par des services médicaux spécialisés si nécessaire (dentiste, ophtalmologue,...).

Ces six évaluations sont réparties sur les 6 semaines d'observation. Le personnel disponible pour ce bilan complet est constitué de :


Un médecin généraliste vacataire,
Trois psychologues à mi-temps,
Un psychiatre à mi-temps,
Deux criminologues à temps plein,
Deux employés à la formation professionnelle à temps plein.
Les médecins spécialistes sont vacataires.

Lorsque le bilan d'un détenu est clôturé, sa situation est étudiée par la Commission du Personnel de la prison qui décide de l'affectation du détenu à un établissement pénitentiaire déterminé, en fonction de trois critères :

le degré de sécurité exigé (minimal, moyen, maximal),
le programme de traitement envisagé pour le détenu,
le rapprochement de sa famille.

Lorsque le détenu est transféré vers sa prison d'attache, il y est envoyé avec ce dossier d'observation qui permet au personnel de sa prison de classification de mettre en place directement les modules de traitements ou de formations professionnelles disponibles dans la prison.

Unité Spéciale de Détention.

Basé sur une philosophie sécuritaire proche de nos quartiers de haute sécurité, la surveillance quotidienne est poussée à l'extrême. Tout contact physique entre le détenu et le personnel est évité.


Le centre de cette unité est doté de vitres pare-balles et de meurtrières tout autour de son périmètre. Il en est ainsi pour toute l'infrastructure de la prison, de la salle de sports jusqu'aux parloirs. Le détenu qui désire obtenir des entretiens sociaux ou psychologiques se rendra menotté dans un local ou tout s'établit derrière une vitre pare-balles et où son discours est enregistré. Notons cependant qu'il existe une possibilité de suivre un programme de gestion de la violence.


Département de recherche du C.R.R
.


Les membres du personnel psycho-médico-social réalisent pour le Service de Recherche du Service Correctionnel un certain nombre de travaux pour lesquels ils sont subventionnés.


Disposant au CRR d'une panoplie impressionnante de renseignements sur le détenu observé, ils réalisent des évaluations à court terme mais aussi à long terme notamment du risque de récidive du détenu. Leurs recherches permettent de remettre en question de manière permanente les traitements proposés et d'évaluer l'évolution de la population des délinquants sexuels.

Notons cependant que le département de recherche est accessible aux services de Police et de Gendarmerie qui peuvent consulter leur banque de données lorsqu'un délit grave a été commis pour vérifier si parmi les libérés récents et selon les caractéristiques observées, le service peut les aider à cerner la personnalité de l'agresseur.

3. MONTEE SAINT-FRANCOIS

1. Présentation de l'établissement

Prison à sécurité minimale, comparable à nos régimes pénitentiaires ouverts, la prison Montée Saint-François accueille 240 condamnés à deux ans et plus (dont 65 abuseurs sexuels).

Chaque détenu travaille pour la communauté et est inscrit dans un module de traitement (toxicomane, délinquant sexuel, etc). Il est en outre intégré dans un programme de resocialisation plus large qui consiste en une vie communautaire par groupes de quatre personnes.

2. Le programme pour pères incestueux "Visa"

Créé en 1991 sur le modèle d'inspiration systémique de GIARETO, le programme Visa (Violence Interdite Sur Autrui) est réservé exclusivement aux pères incestueux - la problématique de la pédophilie se démarquant sensiblement au niveau linique de celle des abuseurs intra-familiaux. Les conditions carcérales requises pour la mise en place d'un tel programme sont : la répression des actes de violence commis par les co-détenus à l'égard des agresseurs sexuels, une population hétérogène à laquelle sont intégrés les abuseurs avant et après le programme et une prison de petite dimension.

Les critères d'exclusion du programme sont un taux élevé aux échelles de psychopathie, un alcoolisme prépondérant et des états psychiatriques graves. Notons que le candidat n'est pas nécessairement "volontaire" et qu'il n'y a pas d'exclusion liée au niveau intellectuel.

Si au départ le diagnostic clinique différentiel des sujets est peu pris en compte, le déni et la minimisation sont cependant travaillés dans le respect de l'intégrité psychique du sujet. En théorie, la famille peut être intégrée dans le programme thérapeutique si elle le souhaite.

Les objectifs se répartissent sur quatre axes :


la reconnaissance de sa culpabilité et de sa responsabilité entière dans les faits,
l'apprentissage de l'empathie envers la victime à partir de sa propre victimologie (expériences émotionnelles vécues dans ses relations familiales et sociales et repérage des facteurs déclenchants),
la prise de conscience des conséquences de ses actes sur la victime et son entourage,
les tentatives de "réparation".

Le programme proprement dit comporte 28 rencontres en groupes. Les thèmes abordés sont successivement le dévoilement, la victimologie, l'empathie pour la victime et son entourage, la recherche des facteurs étiologiques, la réparation et l'expression des émotions. S'y ajoutent 10 entretiens cliniques individuels et la participation aux ateliers d'éducation sexuelle et de distorsions cognitives. Le programme est complété par une séance de "Visaprêt" une soirée par semaine afin de maintenir les acquis.

Il se clôture par l'élaboration commune entre le thérapeute et le détenu d'une grille des situations et de comportements à risque.

Le thérapeute est gestionnaire du cas et, à ce titre, rédige un rapport d'évaluation en vue de libération; l'échec est attribué à la non compatibilité de l'individu avec le programme et non en termes de "mauvaise volonté".

3. Réflexions

La spécificité clinique de la problématique des pères incestueux par rapport aux pédophiles extra-familiaux est reconnue et intégrée dans une pratique thérapeutique de 5 ans qui se réfère à un modèle théorique cohérent. Cependant, l'implication réelle de la famille dans le processus thérapeutique ainsi que la coordination avec les intervenants chargés de la victime paraît plus théorique qu'effective et de ce fait les tentatives de "réparation" pourraient être sources de victimisation secondaire involontaire. L'évaluation du processus d'évolution et la remise d'un avis par le thérapeute lui-même peut poser des questions de déontologie.

 

4. LA MACAZA

1. Présentation de l'établissement

Pénitencier à sécurité moyenne, la prison de la MACAZA est située en pleine nature à 200 km de Montréal. Les 310 détenus (dont la moitié sont répertoriés comme abuseurs sexuels) bénéficient, à l'intérieur d'une enceinte de sécurité classique, d'un régime ouvert axé sur la responsabilisation: travail, libre circulation, clef personnelle de cellule, pavillon pour WE familiaux.


2. Le programme pour abuseurs sexuels

 

1. Modalités pratiques

Un an et demi avant leur date de libération et sur sélection dite "volontaire", les détenus sont intégrés dans un groupe fermé de 8 à 12 personnes maximum pour 8 mois. Le programme intensif a lieu 5 matinées par semaine, de 9 à 12 heures. L'équipe est composée d'un technicien pléthysmographe, de 3 psychologues dont 2 mi-temps, d'un coordinateur et d'une secrétaire.

 


2. L'évaluation

En complément du dossier complet fourni par le CRR, un examen pléthysmographique détaillé est à nouveau effectué (mesure des réactions à des stimuli vidéos et audios suivant divers types de partenaires et scénarios).

Sont systématiquement exclus les débilités mentales lourdes, les psychotiques et les abuseurs niant complètement les faits.

 

3. Le programme

Avec pour objectif essentiel la prévention de la récidive, le programme se répartit en modules complets par étapes et exclusivement en groupe :


dévoilement et responsabilisation
restructuration cognitive
affirmation de soi
empathie envers la victime
contrôle de la colère
éducation sexuelle
prévention de la rechute (repérage des cycles menant à l'abus et recherche d'alternatives).

Parallèlement, un traitement de type aversif est proposé aux sujets, consentants, ayant présenté un profil déviant à l'examen pléthysmographique. Elle consiste à associer le fantasme déviant - enregistré par le détenu sur cassette audio - et une expérience désagréable (respirer de l'ammoniaque ou s'administrer un choc électrique sur le doigt). L'objectif est d'arriver, au bout de 13 semaines, à l'extinction de réaction à des scénarios déviants au profit de fantasmes "normaux". La situation est contrôlée par deux caméras, l'une dirigée vers les organes génitaux du détenu, l'autre vers son visage.

 

3. Réflexions

Si le programme paraît dans son contenu assez semblable à celui des autres centres basés sur une approche comportementale, la particularité de LA MACAZA est que chacun des membres cliniciens de l'équipe est d'orientation behavioriste exclusive, ce qui teinte l'ensemble du programme d'une rigidité particulière plus proche d'un objectif de rééducation que de traitement. La manifestation la plus claire en est la limitation stricte des entretiens individuels et l'importance du traitement de type aversif. Outre les questions éthiques évidentes se posent à son égard des questions cliniques telles que la relation entre le fantasme et le comportement, les faux-négatifs et les faux-positifs, la possibilité de retournement de l'excitation, l'évaluation de la vie psycho-sexuelle de la personne traitée au-delà du strict contrôle pulsionnel. Par ailleurs, la pléthysmographie aversive est loin de faire l'unanimité. Enfin, il est à noter que, ouvert en 1992, ce centre ne possède pas encore de statistiques exploitables.

 

5. LE CENTRE DE PSYCHIATRIE LEGALE DE MONTREAL (C.P.L.M.)

1. Présentation

Situé à Montréal, ce centre de consultation externe a été créé en 1985. Il dépend de l'Institut Pinel et prend notamment en charge l'évaluation et le traitement de patients abuseurs mais aussi la consultation et la formation des agents du système légal et social intervenant auprès de cette clientèle.

 

2. Le programme pour abuseurs sexuels

A) Modalités pratiques

La population du centre est majoritairement composée de sujets prévenus, en probation ou libérés conditionnels. Les thérapies, prises en charge par la sécurité sociale, se déroulent aussi bien individuellement qu'en groupe (ouvert, 9 patients maximum). La composition de ceux-ci est étudiée au plus près suivant les types de délits et les caractéristiques cliniques des patients.

L'équipe pluridisciplinaire est composée de médecins et thérapeutes de formations et d'orientations différentes, ce qui favorise le dynamisme des échanges-réflexions et la remise en question permanente.

B) Le programme

L'évaluation des sujets comprend outre la panoplie "classique" du diagnostic (testing, pléthysmographe) une entrevue clinique et un entretien de synthèse en présence de toute l'équipe. Une fois la prise en charge assurée, le sujet sera réexaminé deux fois par an par toute l'équipe en vue d'un réajustement éventuel des objectifs thérapeutiques.

Un tronc commun est proposé, par étapes, à tous les patients : groupe d'intégration (cadrage), habiletés sociales, éducation sexuelle, prévention de la récidive, "sens et changement". Le programme est réparti sur deux ans minimum.

Les thérapies proprement dites se déroulent en groupes et/ou en individuel suivant le profil clinique du patient : orientation systémique et psycho-dynamique.

Suivant des indications très précises et toujours en complément d'autres modalités thérapeutiques une médication adéquate peut être prescrite.

Une approche de type plus "orthopédique" est mise en place pour les sujets plus limités : cadrage et soutien plutôt qu'idéal de reconstruction du moi.

L'efficacité est augmentée par la possibilité d'une continuité de contacts après le traitement.

3. Le service pour adolescents abuseurs

Confrontés à des demandes pressantes (40% des abus attribués à des adolescents) et conscients de la spécificité de leur statut juridique et de leur problématique (principalement : familles chaotiques, précocité avec immaturité sexuelle ou surstimulation et reproduction d'abus subis), le centre a créé un service pour adolescents. Ceux-ci se répartissent en 2 groupes suivant qu'ils ont moins ou plus de 13 ans. L'objectif est de diminuer par la même occasion la "chronicisation" des abus à l'âge adulte.

Si le traitement individuel est privilégié, le groupe lui est associé afin de travailler la relation à l'autre.

4. Réflexions

Mûri par une expérience continue de plus de 10 ans, ce centre paraît représenter un modèle de prise en charge plus adaptable aux mentalités et courants cliniques de notre pays. Les programmes sont cohérents (individualisation, réajustements, règles déontologiques et cadrage clairs), les cliniciens, d'obédience différente, sont expérimentés et soucieux de remise en question permanente, la formation et la recherche sont présentes et la continuité assurée entre l'intérieur et l'extérieur. Il allie une logique de rééducation dans l'intérêt général et la logique d'un véritable traitement (respect de la personne, reconstruction de l'identité, recherche d'aménagements compensatoires à la source de plaisir interdite). La rigueur est présente sans trop de dogmatisme.

 

B.Conclusions

1) Aspects positifs

a) La protection de la société, objectif premier du système canadien passe par une offre de traitement du délinquant, basé sur le respect de la personne tout en ne minimisant pas la gravité des actes posés, et l'effort de resocialisation de celui-ci.

b) Le suivi du traitement ne constitue pas une garantie absolue de libération conditionnelle ce qui permet d'éviter plus aisément l'inclusion de personnes uniquement motivées par la sortie promise à l'issue du traitement.

c) La conception du centre de psychiatrie légale de Montréal pour délinquant en probation ou libérés conditionnellement est particulièrement intéressante et permet de renforcer les acquis du traitement.

d) Un programme cohérent, faisant l'objet d'une évaluation interne permanente et pour lequel les moyens financiers et humains ont été prévus.

2) Aspects appelant des réserves

a) Bien que les programmes fassent l'objet d'une évaluation interne, il ne semble pas y avoir d'évaluation globale de leur mise en pratique dans les différents établissements, ce qui ne permet pas de rectifier d'éventuelles dérives.

b) On peut se demander si l'application unique des théories behavioristes suffit à assurer la protection de la société et à éviter la récidive, étant donné qu'il est reconnu que l'acquis avait tendance à s'estomper après quelques années.

c) Il est à regretter qu'une majorité des systèmes de traitement proposés en milieu pénitentiaire n'intègrent pas dans leurs équipes la collaboration de médecin psychiatre. On retrouve néanmoins cette collaboration dès qu'on envisage ce qu'on pourrait appeler les "organes extrapénitentiaires", à savoir la section spécifique de l'Institut Pinel, qui fonctionne dans l'ensemble comme nos Etablissements de Défense sociale et quelques rares services A d'hôpitaux psychiatriques qui acceptent des malades faisant l'objet d'une mesure d'internement.

d) Dans le cadre des abus intra-familiaux, on peut déplorer un manque de prise de contact et de concertation entre les équipes de thérapeutes traitant les abuseurs et celles traitant les victimes.

 

C. PERSPECTIVES ET PROPOSITIONS

1) Introduction

La mise en place dans notre pays d'un système global, cohérent et coordonné de traitement des abuseurs sexuels passe par les étapes suivantes :


L'évaluation et le diagnostic de l'abuseur avant jugement.
Un inventaire des pratiques existantes, tant dans les établissements pénitentiaires et dans les établissements de défense sociale qu'en milieu ouvert.
Une évaluation de ces pratiques afin de déterminer celles ayant donné les meilleurs résultats du point de vue réintégration sociale et absence de récidive.
Sur cette base, envisager une sélection des programmes intéressants et en étudier les possibilités de multiplication en tenant compte de l'intérêt du système québécois : peine, assortie d'un traitement sans garantie de libération conditionnelle par des services ou des thérapeutes spécialisés, pour garantir le maintien de l'acquis et éviter la récidive.
Après le traitement en milieu carcéral, l'organisation d'un suivi thérapeutique et d'un contrôle social opérationnel.
La nécessaire formation des professionnels participant à ces programmes.

 

2) L'évaluation et le diagnostic de l'abuseur avant jugement

Avant le jugement, il y a lieu de recourir à des experts spécialisés pour établir un diagnostic clair et précis. Ces experts devraient en outre être à même de décrire, si elles existent, les possibilités et les capacités réelles d'accessibilité du délinquant à un traitement ainsi que les modalités de celui-ci.

L'agrément d'experts devrait s'établir à partir de normes relatives à la qualité d'experts spécialisés en cette matière.

Il importe dès lors d'établir une liste des experts psychiatres et psychologues disposés à faire les expertises des auteurs de faits sexuels et ayant reçu ou étant disposés à recevoir une formation spécifique à cet effet. A cet égard, on pourrait s'inspirer des expériences française (diplôme spécialisé en expertise) et canadienne (association francophone des professionnels en matière de délinquance sexuelle).

Au niveau de l'évaluation il est recommandé de constituer un manuel des techniques d'évaluation de la personnalité globale y compris la sphère psycho-sexuelle.

 

3) La prise en charge après jugement

3.1) Les établissements de défense sociale

L'Institut Philippe Pinel a une mission semblable au Canada que celle dévolue aux établissements de Défense sociale en Belgique. Ces établissements sont au nombre de deux dans la région francophone, l'EDS de Tournai et l'EDS de Paifve. Dans le cadre de leur mission de soins aux délinquants, les deux établissements belges de Défense sociale ont également mis sur pied une approche des délinquants sexuels. A Tournai comme à Paifve, par exemple, sont développés les axes suivants :

1.Education sexuelle : cette modalité d'intervention est développée depuis plusieurs mois et comprend en principe 28 thèmes qui sont enseignés chacun au cours d'une ou de plusieurs séances. La durée totale de l'information est de 8 à 10 mois.

2.L'entraînement aux habiletés sociales sous forme de jeu des compétences et après évaluation initiale de remédiation au déficit spécifique présenté par chaque personne.

3.Pharmacothérapie : un axe s'est plus développé ces dernières années notamment depuis l'utilisation de substances anti-obsessionnelles qui sont plus efficaces que les substances classiques. Ce traitement consiste en l'association d'une médication à base hormonale (analogue de la LHRH) et un traitement à base d'anti-dépresseurs SSRI. Ce traitement global agit aussi directement au niveau de la production d'hormones liées à l'activité sexuelle et provoque une diminution des troubles obsessifs compulsifs.

La baisse d'intensité des obsessions et du désir sexuel qui leur est lié diminue les probabilités de passage à un acte sexuel déviant, violent ou non. Ce traitement est prometteur au niveau statistique et les conclusions scientifiques en seront publiées prochainement.

Au niveau individuel, beaucoup de patients expriment leur soulagement de ne plus ressentir de pulsions sexuelles inadéquates. Le coût d'un traitement hormonal tel qu'utilisé à Tournai est de plus ou moins 7000 francs (1200 Ff ) par mois. Aucun remboursement n'est prévu après libération à l'essai. Cette situation pose problème lors de la prise de décision de la mise en liberté.

4.Thérapie individuelle.

5.Thérapie de couple si possible.

De grandes similitudes existent parmi les patients traités à l'Institut Pinel et ceux traités dans les établissements de Défense sociale. On notera cependant les critères de sélection de l'Institut Pinel sont plus sévères notamment en éliminant les personnes présentant une déficience intellectuelle et les personnes présentant une atteinte cérébrale organique ainsi que les délinquants sexuels ayant commis de faits graves avec une longue condamnation.

En Belgique, on considère que par le fait de l'internement, étant donné l'irresponsabilité des patients, ils doivent tous recevoir une thérapie adéquate ce qui se fait effectivement.

Il n'y a donc pas d'exclusions a priori. Une autre différence est la quantité de personnel consacrée à un traitement. On peut constater qu'à Pinel, 15 membres du personnel sont affectés pour les 20 patients du pavillon où sont exclusivement traités les cas sexuels, alors que chez nous, le nombre d'intervenants est nettement insuffisant.

 

3.2) Les établissements pénitentiaires

Alors que la Belgique fût l'un des premiers pays - avec l'Argentine - à introduire dans les prisons une pratique clinico-criminologique et médico-sociale et occupa, de 1920 jusqu'au milieu des années 70, une place de pionnière dans ce domaine au niveau international, elle vit se réduire budget, personnel et notoriété, jusqu'à la redynamisation progressive des équipes UOT en 1993.

Chaque établissement pénitentiaire dispose actuellement d'une Unité d'Observation et de Traitement (UOT). Il s'agit d'équipes pluridisciplinaires composées de psychiatres, de psychologues, d'assistants sociaux, d'un directeur souvent criminologue et d'un rédacteur.

Leurs missions consistent, à partir de l'accueil des condamnés :


à dépister les personnalités plus problématiques (passé psychiatrique, nature du délit entre autres) en vue d'une observation et d'un accompagnement appropriés. Ceci dans un climat d'écoute avec une dynamique pré-thérapeutique. En cas de prise en charge plus spécifique, le relais est assuré par des thérapeutes extérieurs.
à effectuer un examen de personnalité approfondi sur base duquel un avis circonstancié, en vue de congés pénitentiaires et de libération conditionnelle de détenus plus à risque, sera transmis à l'Administration Pénitentiaire et au Ministre de la Justice. Ces évaluations sont intégrées dans une approche dynamique et évolutive. Dans l'idéal, elles cherchent à répondre à trois objectifs complémentaires au risque de constituer une stigmatisation du détenu concerné :
diagnostic : photographie psycho-médico-sociale, repères cliniques, hypothèses de fonctionnement et criminogenèse;
pronostic : conception dynamique avec objectifs permettant de nuancer les aspects plus problématiques détectés et repères des points d'évaluation les plus pertinents pour le relais par les tuteurs extérieurs; et occasion d'une incitation aux soins.

Si ces équipes bénéficient d'une méthodologie spécifique de l'examen de personnalité qui s'est construite par l'expérience de plus de 24 années du Centre d'Orientation Pénitentiaire spécialisé dans le diagnostic et pronostic de cas "difficiles", il est évident qu'une réflexion est actuellement réalisée en vue d'adapter celle-ci à la problématique des abuseurs sexuels :

 

1)Au niveau de l'évaluation,

dans la perspective d'intégrer un certain nombre de tests ou questionnaires plus spécifiques utilisés au Canada et aux USA, il convient de déterminer au préalable ceux qui justifieraient, de par leurs qualités métriques, une adaptation suivant les critères d'exigence scientifique. Dans ce but, un budget devrait pouvoir être débloqué prioritairement afin d'engager deux psychologues supervisés obligatoirement par des spécialistes de la construction des tests. Actuellement, un manuel des techniques d'évaluation de la personnamlité globale, y compris la sphère psycho-sexuelle, est en cours d'élaboration du personnel supplémentaire devrait être engagé dans les équipes afin de pouvoir réaliser un examen approfondi de chaque abuseur, suivant l'obligation légale.

 

2) Au niveau de la prise en charge et du traitement:


afin d'assurer le relais thérapeutique le plus approprié (aussi bien intra qu'extra-muros) à la problématique spécifique de chaque abuseur, un relevé systématique de tous les thérapeutes privés et des centres qui acceptent ce type de prise en charge devrait être réalisé tenant compte évidemment de la qualité reconnue de leur formation.
une recherche sur l'évaluation des effets des différentes modalités thérapeutiques proposées est tout aussi impérative : telle intervention a-t-elle des effets et lesquels ? Ces effets persistent-ils ? Savoir s'ils diminuent ou augmentent, s'ils sont thérapeutiques, spécifiques ou si on peut les obtenir avec d'autres méthodes, quel en est le coût et le bénéfice? Ceci dans un objectif aussi bien scientifique que pratique. Il est évident que cette recherche devrait être menée, suivant une méthodologie spécifique, par des "juges" extérieurs encadrés scientifiquement.
des expériences pilotes de programmes pré-thérapeutiques pourraient être mises en place après réflexion, formation et supervision du personnel.

 

4 ) Le traitement en milieu ouvert ou fermé

Il serait souhaitable de développer des programmes de traitements plus spécifiquement adaptés aux délinquants sexuels. Ces services pourraient comporter un centre de jour et de nuit ainsi qu'un centre de consultation ambulatoire offrant au condamné sous le régime de la libération conditionnelle ou d'une mesure probatoire, la possibilité de répondre aux obligations légales, notamment la loi du 13 avril 1995. Ceci implique une collaboration entre ces services et les services judiciaires et pénitentiaires.

Le patient serait évalué sur plusieurs "axes" (médical, psychologique, social) et pourrait être pris en charge médicalement si nécessaire.

L'autre aspect de la prise en charge des délinquants sexuels se situe évidemment au niveau ambulatoire et là, l'idée d'un centre de "consultations" spécialisées vient tout de suite à l'esprit.

Ce centre pourrait assurer tant les suivis à long terme que les évaluations ou expertises de départ.

Dans ce cadre-là, la dimension psycho-pathologique comporterait des aspects diagnostiques et descriptifs, tant sur le plan délictueux que sur le plan mental global et des aspects thérapeutiques : possibilités de suivis individuels ou de groupe adaptés à chaque patient, tenant compte des personnalités et des éventuelles pathologies associées.

Dans ce dernier volet, la connexion avec un service psychiatrique pouvant assurer l'hospitalisation des sujets présentant un trouble psychiatrique intercurrent serait évidemment nécessaire.

Concernant les médications hormonales dites "anti-sexuelles", il convient de souligner que celles-ci sont extrêmement onéreuses (surtout dans leur forme "retard", justement la plus intéressante) et il serait dès lors important de veiller à ce que ce coût soit réduit d'une manière ou d'une autre afin d'éviter les abandons de traitement.

Dans la mesure où une peine d'emprisonnement est décidée, il est souhaitable que l'administration pénitentiaire facilite la mise en place de certains traitements au sein des prisons.

Il conviendrait dès lors d'envisager un accord de coopération entre l'Etat fédéral et les instances compétentes (Communautés, régions). Cet accord permettrait l'intervention de services spécialisés, privés ou publics, pour cette prise en charge.

A cet effet, il serait nécessaire de prévoir les conditions de reconnaissance et d'agrément des personnes et des services spécialisés dans le traitement des abuseurs. On pourrait utilement établir une liste des services et thérapeutes disposés à prendre en charge des auteurs de faits sexuels et ayant reçu ou étant disposés à recevoir une formation spécifique.

La reconnaissance de ces services devrait reposer sur un projet thérapeutique clair, développé à partir de références scientifiques reconnues. Ce projet thérapeutique devrait être mis en oeuvre par du personnel qualifié répondant à certains critères :

qualité scientifique (diplômes,...) ;

équipe pluridisciplinaire (assistants sociaux, médecins, psychologues, criminologues, sexologues,...) ;

expérience utile dans le domaine du traitement des abuseurs sexuels.

En outre les services devraient disposer d'une infrastructure logistique permettant une prise en charge adéquate.

Concernant les mesures et traitements à développer, il convient de ne pas présenter un traitement à venir comme une condition de congés pénitentiaires, voire de libération. Ceci n'empêche toutefois pas que, lors de la libération conditionnelle, l'adhésion ou non à un traitement peut constituer une des conditions de celle-ci. Le contrôle de ces conditions doit en outre être effectif.

Dans certains cas, le programme de traitement peut intégrer la problématique familiale ou à tout le moins être en liaison constante avec les services médico-psycho-sociaux chargés des contacts avec le milieu familial afin d'adopter une ligne de conduite commune compte tenu de l'évolution de l'abuseur, de la famille et de la victime. A cet égard, les équipes SOS-Enfants devraient disposer de moyens suffisants non seulement pour assurer le traitement des enfants victimes d'agressions sexuelles mais encore pour entretenir les contacts nécessaires avec les équipes chargées du traitement de l'abuseur.

Les programmes de traitement devraient viser trois classes d'abuseurs selon la méthodologie et les possibilités de prises en charge : les violeurs, les pédophiles et les parents incestueux.

En outre, il conviendrait de prévoir la création de programme de traitements spécifiquement adaptés à la problématique des délinquants sexuels mineurs d'âge.

 

 

5) Le suivi et le contrôle post-pénitentiaire

Il serait particulièrement judicieux d'optimaliser l'organisation des services de probation et de libération conditionnelle (budget, équipe pluridisciplinaire, relais,...).

A cet égard, il convient de mettre en place un système de relais entre un contrôle social efficace et le suivi thérapeutique.

Une réflexion approfondie entre les différents partenaires sur les modalités éthiques et pratiques de collaboration devrait intervenir à brève échéance.

 

 

6) La formation des professionnels participants aux programmes de traitements des abuseurs sexuels

Il est évident que les professionnels qui travaillent avec la délinquance sexuelle ont besoin de recevoir une formation adéquate et ciblée dans ce domaine.

A cet égard, il convient d'utiliser les compétences nationales et internationales et l'efficacité de cet échange pourrait s'envisager sur deux points :

1) L'enseignement

A l'heure actuelle, on peut déplorer l'absence d'enseignement spécialisé consacré au champ de la délinquance sexuelle. Un tel enseignement pourrait être envisagé au sein des universités.

Il faut cependant noter qu'outre de nombreux congrès et conférences organisés sur ce sujet, les différents membres du CPLM et de l'Institut Pinel au Canada ainsi que des spécialistes français offrent également la possibilité de bénéficier de leur expérience par le biais de séminaires et de stages de formation dans leurs institutions.

2) La supervision

Il est indispensable de prévoir la supervision, tant du personnel que des programmes. A cet effet, les moyens financiers et scientifiques nécessaires devraient être dégagés.

 Une mesure préventive visant à éviter le passage à l'acte

Un service d'écoute permanent, avec du personnel qualifié garantissant l'anonymat, pourrait être mis à la disposition des personnes sollicitant une aide. Ces personnes seraient écoutées et orientées vers les services de traitement adéquats

 

Petite définition Champs d'application

La criminalité sur internet

Les tueurs en série

 

Les abuseurs sexuels

Le Haschich

Maroc : le trafic vu par les autres pays

Sites de criminologie

 

Sites de police et de justice  

 

Livre d'or