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Quelques contes arabes
Il était une
fois, dans ce pays lointain, un homme qui s'appelait Yunus et qui voulait
absolument se marier. Il avait plusieurs fois remarqué une jolie fille à la
fenêtre de la maison voisine et se demandait si elle était en âge de prendre
époux. Il alla jusque chez son voisin et lui dit : « Mon frère, auriez-vous
quelque objection à me choisir pour gendre ? Vous avez, si je ne me trompe, une
fille qui me conviendrait très bien. »
Le voisin répondit : « Oui, bien sûr, il me reste une fille qui pourrait se
marier. Mais il y a un inconvénient ».
Et quel est-il donc ? » demanda Yunus.
« Et bien, voyez-vous, elle a tellement mauvais caractère que je détesterais
l'infliger à quiconque, surtout à un ami tel que vous », dit l'autre. « La seule
chose à faire pour qu'elle se marie est quasiment impossible, j'en ai peur.
Personne n'irait au devant de tels ennuis pour ma petite Fatima, j'en suis
certain. »
« Dites-moi de quoi il s'agit, s'il vous plaît », dit Yunus, « et si c'est en
mon pouvoir, je le ferai. »
« On m'a dit », répondit le père de la jeune fille, « que trois gouttes d'eau du
Puits de Douceur suffiraient à venir à bout du mauvais caractère de n'importe
quelle femme. »
« Laissez-moi y aller », dit Yunus. « Où se trouve ce puits ? »
« La vieille femme qui mendie sur les marches de la mosquée le sait », répondit
le voisin. « Il faut les rapporter dans une minuscule bouteille, qui contient
juste trois gouttes. Mais mon cher Yunus, ne vous donnez pas tant de peine ! »
« Ne pensez pas à ça, » répondit Yunus amicalement, « Je m'en occuperai demain.
» Il acheta une petite bouteille au marché et s'en alla voir la vieille femme
qui était assise sur les marches de la mosquée où elle mendiait.
« Où se trouve le Puits de Douceur ? » demanda Yunus, laissant tomber une pièce
dans la soucoupe de la mendiante.
« Sept jours vers l'Ouest, et sept jours en direction de l'Est, là vous
trouverez la rivière. Traversez-la et vous parviendrez au pays où vit un Géant.
Interrogez-le, il vous dira ce que vous voulez savoir, » dit-elle.
Yunus se mit en route et finalement parvint à la rivière. Le batelier le fit
traverser et Yunus lui demanda : « Où vit le Géant ? »
« Dans cette direction », dit le batelier. « Il possède une grotte dans ces
montagnes. Mais montrez-vous courtois quand vous lui parlerez, sinon il vous
frappera avec sa grande massue. »
Ce fut un long, très long et fatiguant voyage et quand Yunus arriva au pied des
montagnes, il s'allongea pour dormir un peu. Quand il s'éveilla, il se sentit au
chaud, dans un endroit confortable et, il pensa d'abord être dans son lit, à la
maison. Mais quand il ouvrit les yeux, il se rendit compte qu'il se trouvait
dans la paume d'une gigantesque main.
« Hah, Hah, petit mortel, ainsi donc tu es venu me rendre visite ? » dit le
Géant. « Qui es-tu, et que veux-tu ? »
« Oh très noble Géant », dit Yunus, poliment, « que la paix soit avec vous ! Je
suis venu vous demander où je pouvais trouver le Puits de Douceur. Je veux
seulement récupérer trois gouttes pour les rapporter à la jeune fille que je
veux épouser car elle a très mauvais caractère. »
« Si tu ne m'avais pas répondu avec autant de courtoisie », dit le Géant, « je
t'aurais écrasé comme une mouche ! » Cependant, comme je ne reçois pas beaucoup
de visiteurs qui s'adressent à moi avec respect, je vais te dire où se trouve ce
puits. »
« Il y a, à l'intérieur de ma grotte, un passage secret gardé par un dragon à
trois têtes. Avance dans ce passage, et quand tu verras le dragon, dis-lui « Par
la permission de Suliman, Fils de David (que la paix soit avec lui !),
laissez-moi passer ! et le dragon te laissera aller jusqu'au Puits ».
Puis le Géant reposa Yunus par terre et celui-ci pénétra dans la grotte le cour
battant. Alors qu'il avançait dans le passage que lui avait montré le Géant,
comme annoncé, il se trouva face à un dragon à trois têtes, crachant du feu et
fouettant le sol de sa longue queue verte. « Par la permission de Suliman, Fils
de David (que la paix soit avec lui !), laissez-moi passer ! » dit Yunus, et le
dragon le laissa continuer son chemin sans lui faire aucun mal.
Au bout d'un long moment, il y eut une grande lueur et Yunus vit une très belle
fée qui remontait un seau d'eau d'un profond puits.
« Que la paix soit avec vous ! » dit-il, et la créature enchantée lui répondit
d'une douce voix, « Que la paix soit avec toi, mortel, viens et je remplirai ta
bouteille ». C'est ce qu'elle fit et elle lui remit la précieuse fiole. Il était
si heureux qu'il embrassa la main de la fée en remerciement mais elle avait déjà
disparu.
Maintenant il fallait qu'il reprenne la même route pour rentrer mais le trajet
lui paraissait deux fois plus difficile qu'à l'aller. Les pierres lui
meurtrissaient les pieds et ses mains étaient bleues à force de tâtonner pour
trouver son chemin dans le passage obscur taillé dans les rochers.
Finalement il atteignit le dragon cracheur de feu mais dès que son regard à six
yeux se fut posé sur lui il prononça la formule magique et le dragon le laissa
passer.
Il retourna dans la grotte du Géant et lui montra la minuscule fiole d'eau.
« Hah-hah, petit mortel », dit le Géant, « tu as obtenu ce que tu voulais.
Maintenant tu dois travailler pour moi pendant un an et un jour, et après tu
pourras rentrer chez toi ».
Ainsi donc Yunus servit le Géant pendant un an et un jour : il coupa l'herbe
pour ses vaches qui étaient traites quotidiennement, il prépara les dîners du
Géant dans une grande marmite, il lava la vaisselle, il étendit ses immenses
chemises sur les buissons pour qu'elles sèchent et il surveilla le feu sans
relâche. Au bout d'un an et un jour, le Géant était tellement content de ses
services qu'il lui donna un sac d'or et le laissa partir avec la meilleure
volonté du monde.
Le voisin de Yunus sortit de sa maison et dit : « Oh, mon cher ami, je suis si
heureux de vous voir. Pourquoi vous êtes-vous absenté si longtemps ? Avez-vous
rapporté l'eau du Puits de Douceur ? Nous avions peur qu'il vous soit arrivé
quelque chose ».
Yunus lui raconta tout ce qui s'était passé et lui tendit la bouteille
renfermant les trois gouttes d'eau magique.
Puis il pénétra dans la maison de sa mère et revêtit ses plus beaux habits, se
préparant pour la noce. Le grand Kadi arriva pour célébrer la cérémonie et ils
se rendirent ensemble dans la maison du voisin.
Une fois que le contrat eut été signé, la fiancée apparut, voilée et couverte de
bijoux et Yunus se sentit le plus heureux des hommes. Le père de la mariée donna
le signal des festivités et tout le monde se mit à boire et à manger à cour
joie.
Le soir venu, Yunus souleva le voile de sa jeune épouse et la trouva encore plus
belle qu'il ne l'avait espéré. Quand elle se mit à parler, sa voix était aussi
douce que le roucoulement d'une colombe.
« Ah ma chère femme, » dit Yunus, « le monde est rempli de merveilles, qu'Allah
soit remercié ! Si je n'étais pas allé chercher cette eau au Puits de Douceur,
je ne sais pas si j'aurais été aussi heureux d'entendre ta voix cette nuit ».
« Que veux-tu dire, cher époux ? » demanda-t-elle. « Ma voix a toujours été
ainsi ».
« Mais ton père m'a dit que tu avais si mauvais caractère que seules trois
gouttes d'eau du Puits de Douceur pourraient en venir à bout », dit-il.
La jeune fille partit d'un grand éclat de rire. Yunus lui demanda ce qu'il avait
de si comique et il fut obligé de la secouer pour qu'elle s'arrête.
« Ce n'est pas moi qui avais mauvais caractère », dit-elle, « mais ma chère
maman ! Mon père n'en pouvait plus de ses paroles perfides et de ses colères. Un
vieil homme avisé lui a dit qu'elle changerait radicalement à la condition de
recevoir trois gouttes d'eau magique sur la langue. Mon père décida donc que
tout homme qui demanderait ma main devrait aller chercher cette eau afin de
soigner ma mère et de le préserver ainsi d'une mort précoce ! »
Yunus se mit à rire aussi, soulagé finalement puisqu'il aurait désormais une
belle-mère dotée d'un bon caractère. Sa nouvelle femme et lui furent si heureux
ensemble qu'ils ne se disputèrent jamais durant toute leur vie.