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Quelques contes arabes
Aladin et la lampe merveilleuse
Quelque part en Afrique,
vivait un puissant magicien qui possédait d'innombrables trésors, obtenus par
magie. Un jour qu'il était assis devant ses étranges instruments grâce auxquels
il pouvait voir le futur, il vit dans un tourbillon de fumée quelque chose qui
lui coupa le souffle.
Dans une ville lointaine vivait un jeune garçon,
Aladin, qui possédait, sans le savoir, un très grand pouvoir magique. Plus
encore, enterré dans une cave sous une colline hors les murs de la ville, se
trouvait le plus merveilleux trésor qui soit au monde. Ce n'était pas tout, dans
la même cave se trouvait une vieille lampe qui pouvait exaucer tous les désirs
de celui qui la possédait. Aladin, et Aladin seulement, pouvait se rendre maître
et du trésor et de la lampe.
Le magicien, fasciné par ce qu'il avait vu,
revint subitement sur terre « Ne suis-je pas un grand magicien ? » se dit-il, «
je ne vais certaine-ment pas laisser un tel trésor entre les mains de cet
ignorant. »
En hâte il se déguisa en religieux et, frottant
l'anneau magique qu'il avait au doigt, dit « Conduis-moi dans la ville d'Aladin.
» En un éclair il fut dans la rue où Aladin jouait avec ses compagnons. Dès
qu'il l'eut reconnu, le magicien appela le jeune garçon : « Aladin, mon cher
neveu ! Viens que je t'embrasse ! Cela fait Si longtemps que je te cherche. »
Aladin, le regardant avec étonnement, répondit
« Je ne vous connais pas, ma mère ne m'a jamais parlé d'un oncle et mon regretté
père ne m'avait de sa vie parlé d'un frère. » « Mon pauvre enfant », dit an
pleurant le magicien, « cela fait Si longtemps que je n'ai pas vu ton cher père
et il me faut apprendre maintenant qu'il est mort... Mon cher enfant »,
continua-t-il, « par amour pour ton défunt père je veux prendre en charge ton
éducation et faire de toi une personne respectable, car je vois à tes vêtements
que ta mère a bien du mal à vous faire vivre. » « Mon oncle », dit Aladin, « ma
mère, en effet, n'est qu'une pauvre ouvrière, allons la trouver pour lui
annoncer la bonne nouvelle».
Tout d'abord la pauvre veuve ne voulut pas
croire le mystérieux étranger, mais elle se radoucit quand il lui donna dix
pièces d'or afin qu'elle achète des vêtements à son fils.
« Mais seulement les plus beaux », précisa-t-il
avant de s'en aller, « car, Si Aladin doit devenir riche et puissant, il doit
être vêtu an conséquence. J'en jugerai par moi-même demain car dès le lever du
jour je le prendrai à ma charge. » La mère d'Aladin employa les dix pièces d'or
à l'achat des plus beaux et des plus fins vêtements qu'elle pût trouver.
Le matin suivant, quand l'étranger revint,
Aladin l'attendait, vêtu aussi somptueusement que les enfants des plus riches de
la ville. « Parfait », approuva le magicien, « maintenant allons, il n'y a plus
de temps à perdre. » Il l'emmena dans de splendides jardins pleins de fleurs
merveilleuses qui embaumaient. Leurs pétales multicolores se reflétaient dans
les pièces d'eau, bordées de mosaïques et de fontaines. Ils se reposèrent sur
une pelouse douce comme du velours et écoutèrent le chant des oiseaux. Aladin
n'avait jamais rien vu ni entendu d'aussi beau, même dans ses rêves... Quand le
magicien vit Aladin aussi émerveillé, il se frotta les mains, son plan devait
réussir. « Je vais te faire voir des choses extraordinaires et inconnues de tous
les mortels, des richesses que personne n'a jamais vues», promit-il, alors
qu'ils approchaient de la colline sous laquelle était enfoui le trésor.
Le magicien commença à mesurer le sol puis il
s'arrêta. Ayant allumé un feu de quelques brindilles, il y jeta une poignée
d'encens. Bientôt il n'y eut plus qu'un épais nuage de fumée. « Regarde à
travers la fumée », dit le magicien lui montrant le sol. Aladin, surpris,
découvrit une trappe pourvue d'un anneau en fer.
« Tu vas soulever cette trappe et descendre dans
les profondeurs de la terre », murmura le faux-oncle, « tu passeras par des
couloirs, des salles, des jardins, tout ce que tu pourras prendre sur le chemin
sera à toi, la seule chose que je désire est une lampe qui est accrochée dans
une des salles. »
« Avec plaisir, mon oncle », dit Aladin, « mais
pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi ? » « Je reste ici pour veiller sur ta
sécurité », dit le magicien, « maintenant vas-y. » Aladin attrape l'anneau et
soulève la trappe avec tant de facilité que le magicien en est suffoqué. Le
jeune garçon arrive à un passage obscur après avoir traversé de grandes salles
pleines d'or, d'argent, de diamants, de perles et autres pierres précieuses.
Sans le savoir il a découvert le plus riche trésor du monde. Il continue
d'avancer et arrive à un jardin merveilleux. Les arbres ploient, tant leurs
branches sont chargées de fruits. Mais ce ne sont pas des fruits ordinaires,
leur éclat est éblouissant. De chaque branche tombent des diamants, des perles,
des rubis d'un rouge intense, des améthystes, des émeraudes et des saphirs. Les
pétales des fleurs sont d'or fin et dignes d'orner la tête d'une princesse. Dans
une niche est accrochée la lampe. Elle est vieille, poussiéreuse et éclaire
faiblement. Aladin la décroche avec précautions, éteint la flamme, jette l'huile
et prend le chemin du retour. Alors seulement il prend le temps d'admirer les
richesses qui l'entourent et d'en remplir ses poches. Le magicien l'attend dans
la plus grande impatience. Quand il le voit, il crie: « Que de temps il t'a
fallu! Viens maintenant, passe-moi la lampe et je t'aiderai à sortir. »
«Je ne peux pas, mon oncle, elle est trop
lourde, aidez-moi d'abord à sortir », bégaie Aladin. Mais le magicien n'a pas la
moindre intention de l'aider. Il veut la lampe pour ensuite se débarrasser du
jeune garçon. Il insiste, tour à tour doux et menaçant, mais en vain. Aladin
essaie encore, et encore, mais il ne peut réussir à soulever la lampe jusqu'à
l'ouverture. Alors le magicien entre dans une fureur épouvantable.
« Ingrat », hurle-t-il, « je vais te donner une
leçon. Et à ces mots il jette une seconde poignée d'encens dans le feu, tout en
marmonnant des paroles magiques dans une langue inconnue. La dalle de pierre se
met à bouger et, lentement, recouvre l'ouverture.
« Puisque je ne peux pas avoir cette lampe, tu
peux mourir, personne ne viendra te chercher là », dit-il avec un rire mauvais.
Puis il frotte l'anneau magique et disparaît.
Aladin est tout seul dans l'obscurité. Comment
aurait-il pu penser que son oncle le traiterait aussi cruellement. Il appelle au
secours mais personne ne peut l'entendre et il ne peut sortir de là sans aide.
Il remonte les couloirs, les salles, jusqu'au jardin merveilleux, cherchant une
issue éventuelle. Mais rien. Désespéré, il revient au point de départ et, se
laissant tomber dans un coin, il pleure silencieusement. Puis il se met à prier.
Comme il prie, ses doigts accrochent la vieille lampe et soudain un génie à la
figure énorme se matérialise devant lui.
« Maître, vous m'avez appelé, que désirez-vous ?
» demande-t-il à Aladin.
« Emmène-moi auprès de ma mère », ordonne le
jeune garçon, abasourdi et, avant d'être revenu de son étonnement, il se trouve
devant la porte de sa maison ...
Il raconte ses aventures à sa mère qui convient
avec lui que la lampe renferme un pouvoir magique et ils comprennent alors
pourquoi le magicien y tenait tant.
Aladin est fou de joie : « Finies la pauvreté et
les privations ! » et, joignant le geste à la parole, il fait de nouveau
apparaître le génie auquel il commande à dîner. Le génie disparaît un instant et
reparaît chargé d'une bassine et de douze plats d'argent, chacun rempli de mets
plus délicats les uns que les autres. Le génie apporte également du vin et des
fruits délicieux, qu'il place devant Aladin et sa mère.
Cette dernière ne peut en croire ses yeux et
tremble de crainte « Jette cette lampe, mon fils, elle est ensorcelée et ne nous
apportera que des ennuis. »
« Mais c'est elle qui m'a libéré de cette trappe
dans laquelle mon prétendu oncle m'avait enfermé ! » proteste Aladin en
commençant à manger. Pourtant sa mère ne cesse de s'inquiéter et de trembler.
Pour lui faire plaisir, Aladin promet de cacher
la lampe dans un endroit sûr et de chercher un travail honnête. Puis tous deux
décident de vendre les plats d'argent, et ainsi de vivre un certain temps
confortablement.
Pendant la journée, Aladin va de marché en
marché, regardant travailler les orfèvres et les commerçants en essayant
d'apprendre quelque chose.
Un jour il décide d'ouvrir lui-même un commerce;
emportant avec lui les pierres précieuses qu'il a ramenées du jardin
merveilleux, il quitte la maison. Il a à peine fait quelques pas qu'il entend
les trompettes du messager du sultan « Rentrez chez vous », crie celui-ci, «
fermez portes et fenêtres, la princesse Badroulboudour, fille du sultan, va
passer, elle ne doit pas être vue. Si quelqu'un désobéit à cet ordre, il aura la
tête coupée. »
Aladin a souvent entendu parler de la beauté de
la princesse et il brûle d'envie de la voir. Inconscient du danger, il se cache
donc derrière une porte et attend qu'elle passe. En effet la princesse est la
plus belle brune que l'on peut voir au monde, elle éclipse par sa beauté toutes
les servantes qui l'entourent.. Quand elle passe devant la porte derrière
laquelle se cache Aladin, le vent soulève légèrement son voile, découvrant ainsi
un visage dont la perfection le fait trembler d'émotion.
Une fois la princesse passée, il reprend ses
pierres précieuses et rentre en courant chez lui. Il a toujours devant ses yeux,
la vision de la princesse et, bien que sa raison sache que c'est pure folie, son
coeur déborde d'amour. Il ne peut plus ni manger ni dormir. Sa mère le remarque
et lui en demande la raison.
« Hélas mon fils ! » se lamente-t-elle lorsqu'il
lui raconte son tourment, « la fille du sultan n'est pas pour quelqu'un comme
toi, quelque soit ton amour pour elle, mon fils, il n'y faut plus penser. » « Ma
fortune peut égaler celle du sultan », rétorque Aladin, « j'ai beau n'être que
le fils d'un pauvre tailleur, je suis sûr que le sultan ne possède pas de
pierres précieuses comparables aux miennes. » Aladin dispose ses pierres
précieuses dans le bassin d'argent et ajoute : « Chère mère, vous allez vous
présenter au sultan et demander pour moi la main de la princesse. Prenez ces
joyaux et offrez-les au sultan, ne me refusez pas cette faveur, je vous en
supplie, ou je mourrai de chagrin. »
Il n'y a rien qu'une mère ne ferait pour son
fils. La mère d'Aladin prend donc le bassin plein de joyaux et, courageusement,
se rend au palais. Aprn's avoir franchi d'innombrables portes, elle arrive au
divan, pièce immense où se trouvent les nobles, les vizirs et les juges de la
cour. Au centre de la pièce, trône le sultan en personne, écoutant les requêtes
de ses sujets. Quand elle le voit, la mère d'Aladin se sent défaillir et elle
veut rebrousser chemin mais le sultan la remarque.
« Faites venir cette femme, je suis curieux de
savoir ce qu'elle désire », dit-il à son grand vizir.
Une fois devant lui, la mère d'Aladin se
prosterne, baise le tapis qui couvre les marches du trône et dit « Avant
d'exposer à Sa Majesté le sujet extraordinaire qui me fait paraître devant son
trône, je la supplie de me pardonner la hardiesse de la demande que je viens lui
faire. »
« Relève-toi, bonne femme », répond gentiment le
sultan, « quoi que ce puisse être, je te le pardonne dès à présent et il ne
t'arrivera pas le moindre mal parle hardiment. »
« J'ai un fils nommé Aladin », commence-t-elle
et, d'une voix tremblante, elle raconte comment son fils, bien que ce soit
interdit, a vu la princesse et, devant sa beauté incomparable, en est tombé
follement amoureux. « Et je suis venue ici pour demander à Sa Majesté la main de
sa fille pour mon fils. »
« Et qu'est-ce qui te permet de penser qu'il est
digne de ma fille ? »questionne le roi amusé. « Il vous envoie ce présent »,
répond bravement la mère d'Aladin en découvrant le bassin d'argent. Un murmure
d'admiration parcourt l'assemblée. Le sultan, revenu de son étonnement, se
penche vers son grand vizir et lui dit : « Chacune de ces pierres vaut à elle
seule dix fois plus que ma fortune tout entière, que dis-tu d'un tel cadeau? Que
dois-je répondre?» « Je dois reconnaître que le présent est digne de la
princesse », répond le vizir à contrecoeur, « mais je pense qu'il serait prudent
d'attendre quelques mois avant de vous prononcer, car je suis très soupçonneux
quant a l'origine de ces pierres... »
« Rentre chez toi, bonne femme », reprend le
sultan, « et dis à ton fils que j'accepte sa requête mais qu'il lui faudra
attendre trois mois car il me faut le temps de faire tous les préparatifs Aussi,
reviens au bout de ce temps-là. » La mère, débordante de joie, se dépêche de
rentrer pour annoncer la bonne nouvelle. Cette nuit-là, Aladin s'endort le coeur
léger, en remerciant Dieu de sa bonté. Mais il ne sait pas que le grand vizir
est prêt à tout pour l'empêcher d'épouser la princesse, car lui-même a un fils
qu'il veut marier à la fille du sultan afin qu'il monte un jour sur le trône.
D'ailleurs, le sultan ne lui a-t-il pas promis la princesse pour son fils bien
avant que la mère d'Aladin ne, se présente? Va-t-il laisser un inconnu gâcher
ses plans? Le grand vizir sait ce qu'il lui reste à faire: le sultan devient
vieux et il perd un peu la tête. S'il n'entend plus parler d'Aladin pendant
quelque temps, il oubliera sa promesse. Alors il pourra même le convaincre
habilement que son propre fils est plus digne d'épouser la princesse
Badroulboudour.
Le vizir ne perd pas de temps. Le plus important
dans la préparation d'un mariage est la procession qui, à travers la ville, se
rendra jusqu'au palais du sultan.
Le grand jour arrive. Des soldats et des gardes
en uniforme de cérémonie défilent dans les rues tandis que la population
s'active à allumer des lampions et à jeter des fleurs.
Aladin ne sait rien de tout cela, car il ne
quitte pratiquement pas sa chambre, comptant les jours qui le séparent de sa
chance. Pourtant ce soir-là, il s'aventure dans les rues et, étonné de voir la
ville en fête, demande quelle est la raison de cette agitation. « Nous célébrons
aujourd'hui le mariage du fils du grand vizir avec la princesse Badroulboudour,
étranger », lui répond-on. « Nous attendons que l'époux sorte du bain pour
l'accompagner jusqu'au palais... »
Aladin n'attend pas plus longtemps, il court
jusqu'à sa chambre, prend la lampe qu'il avait cachée et fait glisser ses doigts
sur le bronze.
« Que désirez-vous, maître ? » demande aussitôt
le génie.
« En ce moment même la procession du mariage de
la princesse Badroulboudour marche vers le palais du sultan. Je veux prendre la
place du prétendant. Mène le fils du vizir chez lui et enferme-le. Procure-moi
aussi les mêmes vêtements que les siens. »
« Il sera fait selon votre désir, maître »,
répond l'esclave de la lampe. En un dm d'oeil Aladin est habillé et parfumé
comme un prince et transporté au palais. La procession arrive à hauteur des
portes du palais et personne n'a remarqué la substitution. Seuls le sultan et le
grand vizir s'étonnent à la vue de ce mystérieux étranger. Aladin se jette aux
pieds du sultan « Monarque au-dessus des Monarques du monde», commence-t-il, «
je viens au sujet de la promesse que vous avez faite à ma mère... »
Le sultan irrité se tourne vers le grand vizir :
« Je me souviens », dit-il, « ce doit être cet Aladin. Toi, mécréant, tu voulais
que ton fils prenne sa place. » « Je pensais seulement à votre intérêt », dit le
vizir, furieux de la tournure des événements, « et Si vous voulez bien me
permettre ce conseil, demandez à cet homme une dot digne de la princesse, vous
ne savez même pas quelle est sa fortune. »Le sultan réfléchit un moment et dit
« Notre coutume, Aladin, est d'exiger une grosse dot pour une princesse. Pour ma
fille, je demande quarante plats d'or fin remplis de pierres précieuses. A cette
seule condition je te donnerai ma fille. »
« Que Sa Majesté attende un instant, je reviens
avec la dot qu'elle demande », répond Aladin au grand étonnement des personnes
pré-sentes. En hâte il rentre chez lui; un instant plus tard, on le voit
apparaître dans la rue suivi de quarante servantes, chacune portant sur la tête
un plat du plus bel or rempli des plus beaux joyaux. Il s'est procuré tout cela
grâce à sa lampe magique... Quelle magnifique procession ! Aladin marche en
tête, sur un superbe cheval arabe, suivi de sa mère, habillée comme une reine et
accompagnée de douze esclaves. Des cavaliers les suivent, jetant à la foule
émerveillée des milliers de pièces d'or.
Le sultan peut à peine en croire ses yeux. Il
vient lui-même à la rencontre d'Aladin, l'embrasse comme son propre fils et,
n'écoutant plus les avertissements jaloux de son vizir, il donne l'ordre de
commencer les festivités.
En un instant la musique retentit et le sol se
met à trembler sous les pieds des danseurs. Le palais ruisselle de lumières et
tout le monde s'amuse. Le sultan, à qui Aladin a plu tout de suite, appelle ses
juges et ordonne que le contrat de mariage soit signé sur-le-champ. Une fois la
chose faite, Aladin se lève et demande la permission de se retirer.
« Où voulez-vous aller, mon fils ? » lui demande
le sultan, « aujourd'hui est un grand jour et votre épouse vous attend. »
« Sa beauté est telle qu'elle mérite davantage
que ce que j'ai pu lui donner jusqu'à présent », répond Aladin. « J'ai décidé
qu'avant le lever du jour, j'aurai fait construire un palais digne de recevoir
la princesse. J'aimerais que vous choisissiez vous-même l'emplacement de notre
future demeure. »
« Choisissez la partie de mon royaume qu'il vous
plaira, si vous pensez que c'est nécessaire », dit le sultan, « mais vous n'avez
pas besoin d'un palais car à partir de ce jour, celui-ci est le vôtre. »
Cette nuit-là, une armée de génies invisibles
travaille à la construction du palais d'Aladin tout pres de celui du sultan. Il
est tout de marbre fin, de jade et d'agate; les pièces sont ornées d'or et
d'argent, les murs de magnifiques tentures et les sols de merveilleuses
mosaïques. Avant le lever du jour, le palais retentit des voix des servantes, du
bruit de la vaisselle et du hennissement des chevaux dans les écuries. Le soleil
se lève sur un tapis de velours qui court du palais d'Aladin au palais du
sultan. Ainsi font les esclaves de la lampe conformément aux ordres d'Aladin.
La princesse Badroulboudour tombe éperdument
amoureuse d'Aladin dès qu'elle le voit et les festivités de leur mariage durent
quarante jours et quarante nuits dans le plus grand apparat. Le grand vizir,
voyant que sa cause est perdue à jamais, ne tente plus d'empêcher leur bonheur.
Ils auraient donc pu vivre parfaitement heureux
si, quelque part, le terrible magicien ne s'était un jour souvenu d'Aladin.
Encore une fois, du fin fond de l'Afrique, il décide d'essayer de rentrer en
possession de la lampe merveilleuse et de savoir ce qu'il est advenu de cet
Aladin qu'il a emprisonné dans la trappe. Il s'installe donc devant ses
instruments et prononce la formule magique. Quelle n'est pas sa surprise de voir
qu'Aladin vit comme un prince et qu'il a épousé la fille du sultan lui-même!
Il entre dans une colère terrible, criant et
gesticulant comme s'il était possédé par le diable, tout en se demandant comment
lui dérober la fameuse lampe, car il est sûr que le fils d'un misérable tailleur
n'a pu devenir gendre du sultan sans l'aide des pouvoirs magiques de la lampe.
Il se décide à agir et sans perdre une minute il
frotte son anneau magique. En un éclair, le voilà transporté dans la ville même
où vit Aladin. Il se promène dans les rues questionnant les passants. Bientôt il
sait tout ce qu'il veut savoir sur Aladin et son palais. Alors il achète une
douzaine de lampes neuves et commence à arpenter les rues en criant: « Qui veut
échanger une vieille lampe contre une neuve? Qui veut échanger une vieille lampe
contre une neuve ? »
Les citadins pensant que le camelot a perdu la
raison profitent sans chercher davantage de cette offre inespérée. Le magicien
échange en souriant lampe après lampe tout en se rapprochant du palais d'Aladin.
Quand il arrive aux portes du palais, il ne lui
reste plus qu'une lampe « Une lampe neuve contre une vieille », crie-t-il sous
les fenêtres d'Aladin. Il a appris qu'Aladin et son épouse ne sont pas au
palais, ainsi ne craint-il pas d'être découvert. Il tremble d'émotion lorsque
l'un des esclaves du palais ouvre la fenêtre et lui crie : « Attends un instant,
notre maître a une tres vieille lampe dans sa chambre. Je crois qu'il serait
bien content, si on la lui changeait pour une neuve. »
Le magicien n'en croit pas ses yeux, l'esclave
lui donne contre une neuve, la lampe merveilleuse qu'il désire depuis si
longtemps... Dès qu'il l'a entre les mains, il se hâte de quitter la ville, puis
il attend que la nuit tombe et que le palais soit endormi. Alors il frotte la
lampe et le génie lui apparaît. « Maître, que désirez-vous ? » demande-t-il. «
Je veux que le palais d'Aladin ainsi que la princesse soient transportés chez
moi en Afrique, mais je veux qu'Aladin reste ici. Il s'expliquera lui-même avec
le sultan », dit-il avec un rire mauvais.
La nuit est sans étoile et sans lune. Tout à
coup, sans que personne ne s'en aperçoive, le palais s'élève dans le ciel, ne
laissant à la place qu'une vaste surface de terre battue. Le matin, quand le
sultan se réveille, il regarde comme il en a l'habitude, vers le palais
d'Aladin. Mais ce jour-là, il ne peut en croire ses yeux, est-il en train de
rêver? Hélas non on aurait dit qu'un énorme coup de vent a balayé la terre et a
tout emporté. A la place du palais, il n'y a plus qu'un espace vide. Horrifié,
le vieux sultan fait appeler son grand vizir. « Dis-moi ce que tu vois », lui
ordonne-t-il en ouvrant la fenêtre.
« Majesté, le palais du prince a disparu »,
s'écrie le vizir stupéfait. Puis, se tournant vers le sultan, il ajoute : « Si
seulement vous m'aviez écouté, j'ai toujours pensé que cet Aladin avait usé de
moyens malhonnêtes et de magie pour épouser votre fille ! Il faut l'attraper, le
punir sévèrement et le forcer à s'expliquer. »
Le sultan, la veille encore Si attentionné pour
Aladin, ne pense plus maintenant qu'à se venger.
« Il faut qu'il souffre les pires tortures »,
crie-t-il, fou de rage, « lancez les gardes à sa recherche, qu'on fouille toute
la ville pour le retrouver. »
Ils ne cherchent pas longtemps. Aladin dort
profondément près d'un buisson. On l'amène devant le sultan fou furieux et
lorsqu'il est jeté dans le plus noir et le plus profond cachot, il n'a toujours
pas compris ce qui lui arrive. Il est là impuissant, sans défense. Très loin
au-dessus de lui, il entend la voix du sultan « Je te donne quatre jours et
quatre nuits, Si d'ici là la princesse Badroulboudour n'est pas revenue, je te
ferai couper la tête.»
Aladin l'écoute le coeur serré. Où donc est sa
chère princesse? Il réfléchit longtemps à sa mystérieuse disparition et à la non
moins mystérieuse disparition de son palais. Il comprend enfin que seul le
magicien peut être l'auteur de ce crime. Mais comment le retrouver maintenant
qu'il n'a plus sa lampe mèrveilleuse?
Tandis qu'Aladin souffre dans sa prison, le
magicien fait sa cour à la pauvre princesse Badroulboudour.
« Rien ne sert de pleurer, belle princesse, vous
ne reverrez jamais Aladin », lui répète-t-il sans cesse. « Maintenant que je
vous ai fait amener ici, en Afrique, vous et votre palais, personne n'osera plus
essayer de vous enlever à moi. Je vous ai choisie pour épouse et ce soir je
viendrai vous demander votre main. Si vous refusez de me prendre pour époux,
malheur à vous ! » ajoute-t-il d'une voix menaçante avant de la quitter.
La princesse se cache tout d'abord la tête dans
les mains et se met à pleurer. Puis elle imagine un plan: si Aladin est
impuissant, sans le secours de sa lampe, elle, au moins, peut agir. Ce soir-là,
elle met sa plus belle robe, s'enduit des plus riches parfums et ordonne qu'on
prépare un somptueux festin, accompagné des vins les plus forts. Puis elle
s'assoit et attend le magicien. Elle l'accueille avec son plus doux sourire.
« Vous êtes mon maître », lui murmure-t-elle en
se prosternant devant lui. Le magicien ne peut détacher les yeux de la
merveilleuse princesse. "Je vois que vous avez pensé à ma proposition ...",
commence-t-il, mais elle ne le laisse pas terminer. Elle l'invite à se mettre à
table, lui offre un verre de vin. La soirée passe, la princesse parle, rit, dit
mille bêtises et le magicien ne cesse de boire. « Je sais, mon maître », dit
enfin la princesse, « que votre pouvoir dépasse de loin celui de tous les rois
du monde, d'où le tenez-vous ? » "De cette lampe", bégaie le magicien, sortant
de sa robe la lampe rnerveilleuse, « il me suffit de la frotter ici et...», il
ne peut terminer sa
phrase, il glisse lourdement sur le sol et se
met à ronfler.La princesse n'attendait que cet instant, elle attrape la lampe et
la frotte comme le magicien lui a indique.
« Que désirez-vous, maîtresse ? » demande le
génie qui est si grand et si impressionnant que la princesse en est terrifiée. «
Envoie ce magicien en enfer et reviens tout de suite », commande-t-elle,
reprenant courage.
Le géant s'empare immédiatement du magicien et
disparaît pour reparaître une seconde plus tard. « Vous n'entendrez plus parler
de ce magicien », dit-il. « Désirez-vous autre chose, princesse ? »
« Ramenez ce palais où il était !»
La lampe une fois de plus réalise les désirs de
la princesse. Avant que le coq ne chante, Aladin est libéré et rendu à sa
princesse. Le sultan se réjouit avec eux et Aladin oublie bien vite les
souffrances du cachot.
Mais à partir de ce jour, la lampe disparaît et
on n'en entend plus parler. L'intelligente princesse l'a cassée en mille
morceaux, elle en a brûlé une partie, enterré une autre et jeté le reste à la
mer.
Ainsi agit-elle car elle craint l'envie et le
désir de pouvoir qui sont souvent plus forts chez les hommes que la bonté...