Charaf incarne l'honneur
bien entendu perdu des Arabes. C'est d'ailleurs en défendant
son «honneur» menacé par la concupiscence d'un
riche Occidental expatrié que l'adolescent perd sa «liberté».
Auteur d'un meurtre involontaire, Charaf est emprisonné.
Passé le premier chapitre, tout le reste se passe dans
l'univers carcéral. Plus que la description ultraréaliste
d'un monde incroyablement dur, ce qui frappe dans la
prison d'Ibrahim c'est sa capacité brechtienne à mettre
à jour les mécanismes à l'œuvre dans la société
tout entière: si les voyous se comportent en prison
comme des bourgeois en société, la bourgeoisie et ses
valeurs ne sont rien d'autre qu'un brigandage légal.
Charaf est un pur représentant de la sa génération.
Sa culture se limite aux marques de vêtements. Il
s'exprime dans un arabe épicé d'anglicismes. Ses rêves,
à part sa jolie voisine, consistent à calculer le prix
des merveilles électroménagères. Seule échappatoire:
le bango, la marijuana locale. Sonallah Ibrahim décrit
avec une noirceur grinçante la condition de son «peuple
qui digère même les cailloux»: torture dans les
commissariats, corruption à tous les étages (même les
prisonniers doivent payer l'essence de leurs transferts
en fourgon cellulaire) et sexualité qui s'apparente au
viol.
Dans Charaf ou l'honneur, il évoque le délicat
chapitre des relations entre musulmans et chrétiens.«En
Egypte, tous les comptes-rendus ont complètement ignoré
cet aspect du roman, constate-t-il. C'est une
sorte de tabou. J'en conclus qu'il doit y avoir un problème.»
Sonallah Ibrahim donne libre cours à son humour, mélange
de slapstick verbal et de notations sarcastiques, à
travers la voix du narrateur qui intervient un chapitre
sur deux, d'où la curieuse alternance de première et
troisième personne. De même, il a recours au procédé
qui fonctionnait à merveille dans Zeth, mais ici
de façon plus pesante: le couper-coller d' extraits de
la presse locale et internationale qui amène le lecteur
à découvrir la vérité.
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