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«Il était
une fois un policier qui suivait les jolis garçons
mais il était si nigaud que, pour les aborder, il
leur demandait leurs papiers.» Ainsi pourrait
commencer un des contes des mille et une vies qu'écrirait
un Arabe contemporain, plein d'expérience. Cet écrivain
existe. Marocain aujourd'hui âgé de vingt-huit ans,
révélé au public par L'enfant ébloui, il signe
Rachid O. Dans son deuxième livre, modestement
intitulé Plusieurs vies, il nous fait traverser, sur
ses pas, beaucoup d'existences. Parlant à la première
personne - ce n'est pas un roman -, il nous dit son
goût pour les hommes, très souvent récompensé. Il
nous fait partager ses rencontres de Rabat, Tanger,
Marrakech, Mulhouse, Zurich. Il attire dentiste,
acrobate, clochard, violoniste, footballeur, masseur
de hammam, père de famille à la retraite, jeune
drogué hétérosexuel ou policier nigaud évoqué
plus haut.
Du cimetière où repose Genet aux laveries
parisiennes, qui lui font découvrir la «vie célibataire»,
il aimante des inconnus. Dont certains se disent prêts
à lui consacrer le reste de leurs jours. Et parfois
il se met à les aimer. Ce qu'il découvre ou apprend
est parfois tragique - sida, assassinat -, mais il y
a en lui quelque chose de souverain qui lui interdit
tout pathos. Le français n'est pas sa langue natale.
Il le manie avec le soin qu'on apporte aux
instruments délicats et obtient de la belle et bonne
prose d'artisan. Posées, pudiques et directes à la
fois, les histoires d'O - où figurent deux faux
oncles - se distinguent agréablement de tant de
souvenirs de dragueurs frénétiques et de soupirants
transis!
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