RACHID O.

L'ENFANT EBLOUI - Rachid O. - Gallimard, 1995
"Mon professeur a réussi à me faire taire. Et son message, la caresse, est passé, reçu cinq sur cinq. Moi qui étais insupportable à me servir d'être le premier pour faire n'importe quoi, quand j'ai commencé à l'aimer, à être fou amoureux, je suis devenu le garçon timide. Dès qu'il me regardait, je baissais les yeux. Il avait des regards insistants. Et c'était réciproque. Tout se passait là."
La grande surprise, à l'époque de la parution de ces cinq "récits", tenait à la langue de Rachid O. On découvrait un style épuré, débarrassé du superflu, ce qu'en anglais on appelle "small is beautiful".
L'histoire semblait murmurée à notre oreille, plus qu'il nous paraissait la lire. Cette oralité se conjuguait avec le regard porté par l'auteur-narrateur sur son environnement, et portait l'accent non pas de la naïveté mais de l'innocence. Comme s'il découvrait la vie avec un ravissement à chaque instant renouvelé. Comme si la rencontre avec un être, un homme souvent, constituait déjà un immense bonheur. Ainsi de son professeur : "Il fallait qu'il se marie, en bon Marocain il devait aller avec une femme. Il n'en était pas du tout amoureux. Il n'était pas du tout pédé, j'étais le seul garçon de sa vie."
Rachid nous transportait vers ce Maroc qu'il a quitté, vers sa vie d'"enfant ébloui". Seulement voilà, d'autres hommes jeunes ont surgi, ont raconté leur histoire d'adolescent transi. Rachid s'est senti propulsé en "homme mûr avec beaucoup d'expérience. Et découvrir ça me rendait malade, j'étais malheureux." En se créant une nouvelle famille, gays et lesbiennes se transmettent-ils leur expérience et leur savoir de leur(s) vie(s) ?