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 Du soleil plein les yeux

Nous vous deconcertons parfois. Quelques pistes sur nos educations et nos bases ancestrales.

Dans la culture maghrébine traditionnelle se trouvent des éléments culturels qui rentrent en interaction avec le psychisme des personnes et leur corps. Ces interactions marquent profondément la personnalité des maghrébins et expliquent leurs difficultés d'intégration en France, qu'ils soient eux-mêmes émigrés ou enfants d'émigrés.
Les informations sont tirees de la these d'Etat de Hossaïn BENDAHMAN, Maître de Conférence en psychologie, Psychanalyste.  "Travail culturel de la pulsion et rapport à l'altérité: pour une topique de la différence. (L'exemple de la culture maghrébine traditionnelle en exil)"
Des elements culturels

dans le positionnement de la famille (Pere, Mere,Grand-Parents)

dans des rites comme la Circoncision, le Hammam, le Sevrage

dans la langue : la calligraphie

interviennent dans des interactions du culturel et du psychique, du psychique et du corporel, du corporel et du culturel forgeant profondément la personnalité et expliquant en partie les difficultés de l'exil. D'où: la nécessité de "sas" pour favoriser les évolutions.

Souvent, dans vos relations avec nous, interviennent vos propres coutumes, vos habitudes de pensée, vos propres fantasmes, en un mot vos propres "représentations" Ce qui vous rend plus difficile le jugement à porter sur une situation donnée. C'est pourquoi il  paraît important de mieux connaître les coutumes, mode de pensée et mythes de ceux qui vous cotoient

le positionnement de la famille (Pere, Mere,Grand-Parents)

LE PÈRE

La fonction du père

<<Le père en venant rompre la relation duelle exclusive de l'enfant à sa mère, en s'interposant entre la mère et l'enfant, devient aussi, et nécessairement, un médiateur. Dans le pays d'origine, le père même le plus faible, assure cette fonction. Même s'il ne parvient pas à l'assumer personnellement. Il est épaulé par "le groupe des pères" (pairs) qui le soutient et le maintient. Le groupe des pères sert donc de béquille et de contenant au père défaillant. Or dans le pays d'accueil, ces groupes de pères ne fonctionnent pas de la même façon. Ils sont d'ailleurs souvent absents....Le père immigré continue à véhiculer le vécu de sa culture d'origine sans qu'il y ait l'étayage social du pays d'origine...Souvent ses enfants connaissent mieux le dehors que lui, tandis qu'ils parlent très mal, voir pas du tout la langue du dedans, celle de la maison et du pays d'origine des parents. Ici l'enfant se trouve confronté au non-dit et à la défaillance de ce rôle médiateur du père.>>(p.202)

Le père transplanté

<<Cette défaillance du père transplanté, analphabète, fait naître chez le fils aîné et lettré le désir de le remplacer au sein de la dynamique familiale en le dégradant, parfois, dans un statut tout à fait subalterne Parfois c'est l'inverse qui s'observe. Le père sentant son pouvoir diminué et contesté tente en un dernier sursaut de s'affirmer avec violence au sein de la famille par une reprise des traditions qu'il rigidifie à l'extrême.>>(p.228)

La difficulté du passage d'une société à une autre

<<Dans la société traditionnelle un père n'est jamais défaillant. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de père faible. Même le père le plus faible, le plus absent est porté, contenu par le "groupe des pères/pairs". C'était aussi le cas en France: l'absence du père ou sa défaillance n'a pas empêché Napoléon, Balzac ou d'autres de devenir des grands hommes. Mais ici l'individu issu de la société traditionnelle est confronté à de nouvelles données qu'on ne lui laisse même pas le temps nécessaire pour pouvoir les métaboliser. Il passe subitement du monde où le sujet n'est défini que comme "fils de" (Ben en arabe, Aït ou Aith en berbère) à une société où on est reconnu avant tout par sa carte d'identité. Il passe d'une société groupale où on est reconnu avant tout comme rôle, à une société où à la notion de couple et la notion de sujet sont prévalantes. Il passe d'une société monosexuelle où la séparation des sexes est de rigueur à une société ou la mixité, ne serait-ce qu'au travail, est de plus en plus importante. Ceci invite à la modestie. On ne peut pas demander à ces personnes issues pour la majorité du monde rural traditionnel de faire un tel saut en quelques années, en deux-trois-quatre ans alors que les occidentaux ont mis plus d'un siècle pour en arriver là.>>(p.281)

LA MÈRE
L'éducation du jeune enfant

<<Dans ce milieu traditionnel, la demande de l'enfant est satisfaite immédiatement et constamment, le plus souvent sur un mode oral, et ce durant très longtemps (deux ans en moyenne, voire plus). Cette réponse orale immédiate et souvent associée à des manipulations corporelles: bercements, massages, jeux corporels, etc..qui font que très précocement " l'enfant s'ouvre sur un monde extérieur sur un mode actif". Tout semble être fait durant cette période pour éviter à l'enfant toute frustration. Il y a là un facteur de sécurisation et un support concret de l'investissement de la mère comme seul "bon objet".>>(p.56)

qui laisse des traces

<<En définitive, l'empreinte laissée par ces coutumes se retrouve chez l'adulte sous forme d'une "fixation orale à la mère" et corrollairement d'une quête d'assurance et de sécurité.>>(p.59)

Le comportement de la mère est différent suivant le sexe de l'enfant

<<Dès lors on encourage toutes les manifestations viriles du garçon, selon les valeurs sociales. Ainsi le garçon en colère passe souvent sa rage sur sa soeur et ce ne sont pas les principes éducatifs traditionnels qui peuvent décourager les manifestations agressives à l'égard de celle-ci. Elle, (la mère) va jusqu'à l'encourager en lui disant " tu es un homme, donne lui des coups, elle n'est qu'une pisseuse.>>(p.70)

mais les apparences sont trompeuses

<<A ceci il faut rajouter ce fait qui ressort clairement du discours de mes sujets. La fille fait peur à l'homme et l'angoisse. Cette angoisse liée à la perte d'honneur dont la fille porte la menace est liée à la virginité de la fille...En définitive, elle est la révélation de la virilité de l'homme. Tout se passe comme si c'était elle qui détermine les critères de la virilité...c'est à ce niveau qu'il faut comprendre le profond attachement du maghrébin à sa mère, à sa soeur et à sa grand-mère. Elles sont les seules à pouvoir lutter contre les maléfices d'autres femmes qui lui sont destinés. C'est là un conditionnement de l'homme dès les premiers jours de sa vie où la femme devenue mère, prend sa revanche sur le monde masculin en s'imposant comme l'unique intermédiaire avec le monde invisible de nos fantasmes et angoisses.>>(p.72/73)

<<Le maghrébin malgré son apparence "macho" craint énormément la femme et sa puissance occulte et n'a confiance en fin de compte qu'en sa parenté féminine. Le mépris qu'il affiche à l'encontre de la femme n'est qu'un mécanisme de défense qui camoufle sa peur de la femme.>>(p.158)

LA GRAND-MÈRE
La fonction des grands-parents

<<Tout semble se passer comme si les grands-parents existaient pour consoler, permettre ce qui est défendu, adoucir la vie des petits.>>(p.85)

Des différences qui choquent

<<Bon nombre de nos sujets vus en France opposent l'image infiniment chaleureuse et gratifiante des grands-parents maghrébins qu'on vénère, à celle des grands-parents occidentaux "abandonnés, rejetés, isolés, placés en hospice parce que devenus inutiles".>>(p.88)

L'importance de la fonction "sas" de la grand-mère

<<Le sevrage, on l'a vu, est une rude épreuve. Mais la société a trouvé des aménagements possibles, notamment en la personne de la grand-mère. En emmenant l'enfant loin de chez sa mère, elle atténue momentanément la souffrance; elle offre un "sas", un espace médiateur à ses problèmes.>>(p.92)

 

dans des rites comme la Circoncision, le Hammam, le Sevrage
LA CIRCONCISION
<<D'après différents auteurs, elle s'accomplit de 5 à 8 ans en Algérie; de 9 à 10 ans en Égypte méridionale; à quelques semaines après la naissance en Arabie et de 10 à 15 ans chez les Sénégalais. Ainsi le même rite sanctionne tantôt l'entrée dans l'enfance, tantôt dans l'adolescence sans jamais être lié à la puberté physiologique.>>(p.121)

Elle est désirée par le jeune

<<Ce désir de la circoncision par les jeunes et sa non imposition par les adultes vont tout à fait dans le sens de ce que nous avons trouvé dans notre étude...pour nos sujets (ils) parlent de la circoncision comme d'une épreuve indispensable dont il ne faut pas qu'on les prive, qu'il faut affronter avec fierté et orgueil pour devenir un homme.>>(p.122)

non comme obligation, mais comme signe

<<La circoncision, pour le musulman, définit un rapport d'appartenance à la communauté islamique.Tous nos sujets, dans leur grande majorité, nous ont parlé de la circoncision comme étant un devoir religieux et un acte imposé par la religion musulmane...Or, fait curieux, la circoncision ne bénéficie d'aucun caractère obligatoire dans la religion musulmane

Elle n'est pas obligatoire

<<Canoniquement et théologiquement :donc, la circoncision ne bénéficie d'aucun statut privilégié en Islam, contrairement à la religion juive. Elle n'a aucune place parmi les 5 piliers de l'Islam que nous avons déjà cités. C'est une simple recommandation: aucune prière ne l'accompagne, tout comme le mariage. D'autre part l'âge n'est pas fixé de manière rigoureuse et elle peut avoir lieu de 1 à 16 ans. Certains savants comme El Ghazali préconisent de se différencier des juifs quant à l'âge de la circoncision: "la circoncision est pratiquée par les juifs au septième jour..." . Ainsi donc, "la circoncision est davantage une pratique des musulmans qu'une pratique de l'Islam". Il s'agit de marquer l'appartenance au groupe>>(p.123)

Différences avec la circoncision juive

<<La circoncision en milieu maghrébin confère des privilèges spéciaux: aller à la mosquée avec le père...aller au souk...une modification de statut, tout comme le passage du hammam des femmes à celui des hommes, et elle est vécue comme telle par le circoncis. Les privilèges qui en découlent paraissent comme liés à elle, contrairement à la circoncision juive qui se pratique très tôt et où les privilèges liés au sexe masculin paraissent avoir toujours existé. ... La circoncision est perçue autrement par le jeune maghrébin qu'une blessure castratrice. Nous serons tenté de dire que c'est plutôt la non-circoncision qui est vécue comme castration, comme refus de la part du père de reconnaître la masculinité de son fils.>>(p.134)

LE HAMMAM
Ce qu'il est

<<La mère y rentre avec ses enfants, avec sa fille et son fils tant que celui-ci n'est pas circoncis.>>(p.103)

Signe pour le garçon

<<Ainsi dès que le garçon est exclu du hammam des femmes il est littéralement happé alors par le monde masculin et commence à prendre le chemin du hammam des hommes...ainsi avec le hammam des hommes le garçon entre dans le monde jusque-là inconnu des adultes; ceci signifie pour lui ne plus côtoyer que des hommes.>>(p.116)

Les effets psychologiques

<<Cette atmosphère chaude et froide mêlée au jeu de vapeur et à la faible lumière crée une ambiance quasi irréelle entre la veille et le sommeil favorisant ainsi la régression et la fantasmatisation, et éveille des multitudes de souvenirs et de rêves forts sexualisés.>>(p.106)

<<Enfants, nous ouvrons nos yeux sur/dans le hamman; devenus adultes nous le peuplons de nos souvenirs d'enfance, de nos fantasmes, de nos rêves et c'est là pour tout maghrébin une manière précise de revivre son enfance à partir de son expérience du hammam.>>(p.109)

<<C'est au hammam que l'enfant maghrébin découvre la différence des sexes et contemple à loisir le sexe des autres.>>(p.109)

son aspect religieux

<<Le hammam est infiniment lié à la religion musulman "être attentif à son corps, l'assumer en totalité, prendre au sérieux ses propres fantasmes, faire de la quête de l'orgasme un but essentiel de la vie terrestre et même de la vie transmondaine telles sont quelques unes des visées de l'Islam.>>(p.104)

<<Mais fait paradoxal et surprenant, le hammam, institution typiquement islamique, soulève une grande réprobation de la part des théologiens musulmans...la réprobation des religieux s'explique par le fait que la nudité intégrale est au centre de la question...au hammam la nudité intégrale des hommes est presque courante, celle des femmes est presque partout la règle.>>(p.107/108

SEVRAGE ET ALLAITEMENT
Le sevrage

<<Le paradis à deux, ce nid douillet et chaleureux, ce royaume des mille et une merveilles ne durera pas car un intrus ou une intruse, un concurrent ou une concurrente est là et réclame sa place et son dû. La mère maghrébine appartient au dernier-né. C'est dans ces circonstances qu'intervient le sevrage.>>(p.98)

<<Nous avons parlé dans un premier temps de l'intensité de cette relation (mère-enfant) et de sa longue durée où la satisfaction de l'enfant est constante et immédiate pendant les deux ou trois premières années, voire plus. Mais juste à ce moment-là intervient le sevrage, brutalement et sans préparation. C'est la première grande frustration que connaît l'enfant. Ce sevrage qui intervient du jour au lendemain revêt pour l'enfant tous les caractères d'un abandon.>>(p.58)

L'allaitement

<<L'allaitement au Maghreb a des connotations beaucoup plus profondes qu'en Europe...On est tenu d'avoir le même comportement et les mêmes devoirs envers la femme qui nous a allaité qu'envers notre mère génitrice. De même les garçons et les filles allaités par la même femme que nous sont considérés comme nos frères et soeurs...Par ailleurs, environ un tiers de nos sujets ont été allaités par une autre femme, le plus souvent par la grand-mère, et leur mère a allaité d'autres enfants que les siens.>>(p.94)

 

INTERACTION  DU CULTUREL ET DU PSYCHIQUE
Des aspects auxquels on ne pense pas quand on parle

<<Ainsi là où je dis , moi maghrébin d'origine rurale, à mes enfants: "va ouvrir (ou fermer) la porte du dehors, leur mère, française, leur dit: "va ouvrir (ou fermer) la porte d'entrée". Les premières fois les enfants ont relevé et parlé cette différence en souriant, mais cela n'a nullement affecté leur compréhension du message de leur père ou de leur mère. Cela ne change pas l'état de la porte, elle sera fermée ou ouverte, le sexe des parents n'influe pas sur l'état de la porte. Par contre ce qui change c'est que cela introduit un troisième temps, celui de la relation: selon la première formulation (il y en a des centaines) ou la seconde, ils intègrent qu'ils sont en relation avec des références culturelles différentes, de leur père ou de leur mère portées par la langue. Donc ce temps de relation, ce temps autre, est aussi une intériorisation de l'altérité, ce qui les introduit à leur historicité et les inscrit dans leur généalogie.>>(p.31)

C'est par la langue que s'introduit la généalogie

<<La filiation est une assignation à une place donnée dans les structures de parenté, un nom et et une transmission par le nom et dans le nom. C'est ce que j'ai découvert très tôt lors de ma scolarité. Étant d'une culture orale berbère, j'étais habitué à m'entendre appeler par mes parents et mon entourage par le prénom qui m'a été attribué à la naissance, avec ses sonorités caractéristiques. Ma rencontre avec les instituteurs puis les professeurs provoqua en moi une grande perplexité. Le professeur d'arabe par exemple me reprenait avec insistance, voire sévèrement chaque fois que je me présentais, en arabisant mon prénom aussi bien dans sa prononciation que dans son orthographe, en ajoutant le préfixe "Al" caractéristique de l'arabe ; le professeur de français, quant à lui, me déclara que mon prénom devait se prononcer et s'écrire de la même façon que celui du roi de Jordanie: Hussein. Un an plus tard, un autre professeur de français, dans un cours intitulé « connaissances usuelles » nous fit un exposé sur les premiers habitants du Maghreb, ou indigènes, appelés «berbères» ; et pour illustrer ses propos, elle me désigna en exemple, énumérant les unes après les autres leurs caractéristiques morphologiques. Cette expérience fut une révélation. Je pus enfin entendre, intégrer, ces masses sonores si familières mais qu'aucun professeur, ni celui de français, ni celui d'arabe, ne parvenait à prononcer... Je mettais donc un sens sur cette différence. Cette découverte m'évita une aliénation dans une culture étrangère, française ou arabe. Je m'épargnais ainsi les avatars d'une éventuelle angoisse de désaffiliation... Je n'étais plus seul : je savais qui j'étais, d'où je venais. Je pouvais aller à la rencontre de l'autre et de sa culture, partager ses connaissances sans craindre de me perdre. Car, n'en doutons pas, bien circuler au sein de ses structures de parenté et dans sa filiation permet de circuler plus aisément dans les structures scolaires et donc sociales.>>(p.199)

L'apprentissage de la langue...

<<Le rapport au langage, loin d'être un simple rapport d'acquisition, est un rapport d'inscription dans un système de parenté et d'alliance, qui a cours dans notre culture, et aussi dans la place que nous occupons en tant que sujet "Apprendre à parler c'est apprendre à occuper cette place"(Tabouret-Keller.1985)>>(p.241)

<<La langue c'est l'élément essentiel de la structuration de la culture. D'autre part...la culture dépose dans la langue des éléments d'inclusion qui se transmettent de génération en génération.>>(p.244)

pour le transplanté

<<Chez l'enfant transplanté c'est surtout la possibilité d'une éventuelle bipolarisation de sa pensée qui va susciter des problèmes. L'enfant transplanté est confronté à deux langues différentes, deux discours différents, chacun véhiculant un vécu différent.>>(p.196)

<<Il (un sujet) est ainsi apparemment normal et adapté aux normes socioculturelles françaises accroché au factuel et au concret, sortant des phrases toutes faites qui lui servent de mécanismes de dégagement alors qu'en arabe sa pathologie se lit à livre ouvert. Il est en effet rapidement submergé par le pulsionnel. Il y a un clivage entre la façon dont il se présente en français et en arabe.>>(p.246)

INTERACTION DU PSYCHIQUE ET DU CORPOREL
La pulsion, concept charnière

<<La pulsion est donc l'un des concepts de la démarcation entre le psychique et le corporel....la pulsion n'est en fait ni somatique, ni psychique mais représente ce point d'articulation entre le besoin organique et le désir psychique>>(p.13)

Les troubles du psychique et du corporel sont liés

<<Tous les troubles du Moi vont nécessairement coïncider avec l'atteinte de l'image corporelle, puisque les deux son interdépendants>>(p.191)

La transplantation atteint la personne dans son ensemble

<<La transplantation présente une situation radicalement nouvelle, dans laquelle sous un choc de changement social, l'image du corps va se déformer, plier, voire éclater. L'individu se trouve dans une nécessité urgente et vitale d'adaptation de son image corporelle au nouveau monde, d'où la nécessité théorique de l'intensification de l'échange dans un tel processus.>>(p.192)

INTERACTION DU CORPOREL ET DU CULTUREL
Parallèle entre le corps et la langue

<<Le son, rythme de base de passage du pré verbal au verbal, du corporel au métaphorique, du jeu de corps aux jeux de mots, unité minimale de communication et de différenciation. Le "je" c'est l'opération de base de distinctivité. Le petit homme en disant "je", dit ce qu'il est par rapport à ce qu'il n'est pas. Et ce, qu'il l'exprime en mots ou qu'il le symbolise dans le jeu par l'intermédiaire d'une ficelle et d'une bobine...Les mots ont une base corporelle. Le mot est à la pulsion ce que la ficelle est à la bobine. Le corps dans le corps de la lettre, la calligraphie arabe, en fournit une superbe illustration. >>(p.253)

Quand la langue ne fonctionne plus, le corps prend le relais

<<La somatisation chez le maghrébin transplanté serait de l'ordre du pré verbal, c'est ce qui reste (le dernier refuge) quand le langage appris dans la culture d'origine ne sert plus à communiquer, n'est plus opérante, le maghrébin a recours au corps pour essayer d'atteindre l'autre, de communiquer avec lui. Sa demande d'être reconnu passe par le biais de la somatisation. La somatisation vient signifier le défaut (par défaut) de l'inscription et de l'identification à la nouvelle culture par la langue. Quand la langue maternelle fait défaut, ne permet plus l'inscription culturelle et sociale ni l'identification à la nouvelle situation il y a recours à la somatisation pour mieux dire la souffrance. Cela suppose de la part du maghrébin un fantasme de l'universalité du langage du corps et de la communication pré-verbale.>>(p.218)

La langue dans le corps

<<Dans une certaine mesure le changement de langue peut s'assimiler à un traumatisme psychique. Force est de constater que malgré des siècles de laminage des langues régionales en France, celles-ci continuent à survivre dans la langue et la culture nationales ne serait-ce que par leurs accents (méridional, alsacien, etc.) Elles vivent pour ainsi dire dans le corps et par le corps comme une sorte de mémoire corporelle de l'identité. Le corps en garde trace.>>(p.291)

LA CALLIGRAPHIE
La calligraphie, un art religieux

<<La calligraphie, désignée, en arabe, par le mot khatt, est une activité quasi religieuse, dûment réglementée....C'est donc le moyen de communication qui vient aussitôt après le langage. C'est aussi un noble art, car il est propre à l'homme, qu'il distingue des animaux. De plus il révèle les pensées et les transmet à distance. Il est l'instrument de la science, du savoir (de la connaissance), des livres des anciens et de leurs histoires.>>(p.251)

DIFFICULTÉS DE L'EXIL
Des coutumes qui marquent profondément la personnalité

<<A la tête du berceau, sous le coussin, la mère place un couteau ou une clef, parfois un miroir et un sachet plein d'ingrédients destinés à protéger le nourrisson et le tout restera sous sa couche pendant 40 jours. Il arrive qu'on laisse une lumière auprès de l'enfant pour écarter les "génies malfaisants". On sait que ceux-ci craignent le fer et la lumière. On accroche aussi à la tête du berceau une main de Fatima et le verset du Trône (Ayat-el-Koursi) qui écartent les cauchemars. Ces pratiques qui peuvent faire rire un européen, marquent l'individu pour toute sa vie. Même dans les milieux instruits qui se proclament volontiers ultramodernes et où l'influence occidentale s'exerce puissamment, la croyance en ces vieilles pratiques occupe encore des positions dont l'étendue a de quoi surprendre.>>(p.70)

même chez les intellectuels

<<Même ceux qui renient et dénigrent la culture traditionnelle maghrébine épargnent le hammam, tout d'ailleurs comme la circoncision, en lui trouvant des vertus "insoupçonnables".>>(p.103)

<<Que le maghrébin s'estime "ultramoderne" et évolué, ou traditionnel, il observe ces rites. Même les intellectuels qui affichent, en occident, l'opposition à leur culture d'origine se soumettent et perpétuent les coutumes et les valeurs traditionnelles quand ils retournent dans leur pays. Est-ce là quelque chose de surprenant? Nous ne le pensons pas. Beaucoup d'observateurs extérieurs à la culture maghrébine se sont laissés abuser par l'apparence que représente la structure maghrébine et par le discours manifeste de certains intellectuels maghrébins éprouvant des difficultés de maturation affective. Or on sait qu'au Maghreb les règles et les codes sont fondamentaux, que le mensonge aux étrangers est plutôt une ruse valorisante et valorisée et qu'on ne livre jamais son être profond; on ne livre à autrui qu'une apparence. Le Moi social prime le Moi individuel. On est tenu d'être solidaire des "siens", de son groupe social, c'est là quelque chose de si profondément intériorisé au fond de la personnalité maghrébine que seule la psychanalyse peut nous en faire prendre conscience. Le maghrébin est sans cesse sous le regard "des autres": qu'en dira-t-on ?>>(p.157)

La représentation de l'instruction des filles

<<L'obligation d'assistance, lorsque les parents vieillissent revient au garçon, et quand le garçon se marie il reste en général chez ses parents alors que la femme suit son mari. Aucun de nos sujet (habitant en France) jeune ou vieux, n'envisage l'éventualité que la fille puisse ne pas se marier. La fille finira, pensent nos sujets, par rejoindre un jour la maison de son mari; dès lors peu de choses sont importantes et même l'instruction ne l'est pas puisque ce n'est pas sa famille qui en profitera mais des étrangers.>>(p.71)

La transplantation comme perte de références

<<La transplantation signifie une perte de tout un monde de références qu'on ne peut plus partager avec ceux que l'on côtoie chaque jour>>(p.177)

<<Ceux qui semblent les mieux adaptés ne sont pas nécessairement ceux que l'on croit; ceux qui semblent les mieux adaptés sont au contraire ceux qui s'acceptent comme fondamentalement différents.>>(p.194)

Difficultés d'identification

<<En ce qui concerne la majorité des jeunes maghrébins issus de couples de transplantés, leur développement affectif ne peut être, le plus souvent, que bloqué ou dévié car l'idéal des valeurs sociales de leurs parents et la position socialement méprisée de ceux-ci, leur ignorance dans la plupart des cas de leur langue maternelle diminuent les échanges avec leurs parents à qui ils ne peuvent s'identifier puisqu'une éventuelle identification ne serait pas valorisante narcissiquement, d'où le désarroi de ces jeunes. Même les rapports à la mère ne sont plus ce qu'ils étaient puisque l'État français tend à déposséder les parents de certains droits et prérogatives>>(p.228)

Soumis à des messages paradoxaux

<<L'immigré se trouve pris au milieu de ce filet de messages paradoxaux qui lui parviennent de part et d'autre. De son pays et sa communauté d'origine, il entend "ne te renie pas, ne retourne pas ta veste", mais "ne reviens pas et reste là où tu es". De son pays d'accueil, il entend "ta culture est un frein à ton intégration, elle est dangereuse, renie là, retourne ta veste pour t'intégrer"..Alors ces jeunes sont pris dans ce problème de "l'entre-deux", où de chaque coté ils sont mis dans une position intenable où il faut à la fois s'accrocher à ses racines et s'en défaire.>>(p.231)

Un exemple illustratif

<<Autre impasse, pour l'immigré musulman transplanté en France, la croyance aux Djinns...Les Djinns peuplent l'imaginaire musulman du Maghreb, de l'Égypte, de la Perse et des Turcs et font partie de la foi musulmane...Les Djinns sont cités en 22 endroits dans le Coran qui décrit leur genre et leur mode de vie. Ils seront jugés le jour du jugement dernier par Dieu au même titre que les humains selon leurs actes. Y croire est un acte de foi, fait partie de la foi musulmane, comme tout ce qui est dit dans le Coran. Comment remettre la parole de Dieu en doute?...En situation de transplantation cela devient un dilemme: s'y référer et en parler c'est passer pour arriéré ou aliéné, le nier c'est renier ou mettre en doute une partie de sa foi. Aussi ce conflit est occulté et l'imaginaire qui s'y rattache enterré. Cette part de l'imaginaire nécessaire à la vie psychique dans le pays d'origine ne trouve plus à se dire. Aussi le corps reprend le relais pour représenter cet irreprésentable, cette impossibilité à dire ou non. A force d'être entouré de sourds on devient muet.>>(p.239)

ÉCOLE ET "SAS"
La nécessité d'un "sas"

<<Quant à l'immigration, elle est aussi un passage, une traversée. Certains la font sans dégâts d'autres voient leur embarcation chavirer, se briser et ils se noient. Cette traversée d'un état à un autre ne se fait pas d'elle-même, parce qu'on est confronté à deux représentations qui sont souvent inconciliables. Aussi faut-il quelque part dans notre esprit, dans notre façon d'être, ménager un "sas", opérer une mise en latence des pensées ou des données inconciliables, pour que le petit enfant qui se socialise puisse aller vers l'autre sans trop de reniements, en douceur.>>(p.201)

<<Le passage d'un espace culturel dans un autre nécessite un espace intermédiaire, un sas de mise en latence des éprouvés inconciliables des deux espaces culturels. En somme un espace de "non menace.>>(p.23)

L'enfant d'origine étrangère comme "analyseur" de l'école

<<L'enfant d'origine étrangère est un véritable analyseur de l'institution scolaire qui oublie ou refoule la réalité psychique de l'élève, ce qui provoque résistance et défense>>(p.24)

L'école peut jouer ce rôle de "sas"

<<J'ai parlé du "groupe des pères" qui empêche l'enfant du père défaillant d'être "hors repères". Ces pères sont aussi des "pairs", et ce groupe de pairs peut se constituer dès l'école et au sein de l'école. J'ai introduit cet exposé en parlant de ma rencontre avec l'école qui a balisé mes repères identitaires pour mieux asseoir mes rapports de filiation et d'affiliation. Je voudrais conclure par l'école, qui est pour moi un formidable espace médiateur et intermédiaire, un lieu de nidification culturelle, un ouvreur de perspectives, porteur de création. L'école est un passage à traverser, un pont entre la famille et la société.>>(p.205)

comme le psychanalyste dans son travail

<<Ainsi notre imaginaire est structuré par la langue et tout particulièrement par notre langue maternelle et pour les immigrés, dont je fais partie, par le français également qui impose ses signifiants. Face à ces patients avec qui je partage l'appartenance culturelle et la transplantation, mon travail consiste à leur offrir un espace intermédiaire où ils peuvent être entendus dans leur langue d'origine et/ou dans la langue du pays d'accueil. J'essaye de leur offrir un espace de médiation, un espace hors menace où leur soi privé (horma) et leur soi social se rencontrent sans s'affronter grâce à l'étayage sur le thérapeute lors du transfert et du contre-transfert.>>(p.247).

Médiation

 Que signifie-t-elle? que confronté à la différence (culturelle, sexuelle, etc...) deux attitudes ont cours d'ordinaire: le rejet ou le déni. Mais si on veut aller plus loin, aider l'autre à sortir de cette impasse, il faut momentanément lui offrir un sas, ne serait-ce que dans notre tête, dans notre façon de l'accueillir. Je veux dire par sas un lieu de non-conflit, de non-destruction: moi ou l'autre, un lieu de non-violence qui permet de l'accompagner pour que le sujet puisse pacifier les deux contraintes qui se battent en lui et en faire des alliés pour un changement sans reniement. Lui permettre ce débat intérieur pour qu'il puisse faire la part des choses et aller de l'avant, telle serait la fonction de cet espace de médiation. De la confrontation avec d'autres cultures peut naître un apprentissage et un élargissement de l'espace intérieur du sujet, seule parade à l'intégrisme intellectuel, mental et psychique. La culture peut fonctionner ici comme un espace transitionnel et médiateur. Elle est un contenant pour la psyché tout comme le corps l'est pour la pulsion. L'interculturel est une école de reconnaissance et de connaissance qui permet d'appréhender que l'autre n'est nullement le même.>>(p.284)

 Textes tirés de la thèse d'État de Hossaïn BENDAHMAN  - mis en forme par Babishtar
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