Eyet-Chakib DJAZIRI

Une promesse de douleur et de sang

Eyet-chekib Djaziri

Editions question de genre

"une promesse de douleur et de sang" est la suite de "un poisson sur la balançoire" Il est paru en mars98 aux éditions: cahiers question de genre/GKC.

Je presse le pas mais mes semelles collent au macadam. Pas âme qui vive ne circule dans les rues. Les magasins ont fermés leurs portes et ne rouvriront qu'en fin d'après-midi, lorsque le soleil aura décliné. Demain, je rentre à Tunis. Demain, je me rapproche pour la dernière fois de Mohamed-Ali. Ensuite il faudra que je m'en éloigne définitivement. Peut-être ne reviendrai-je jamais sous ces cieux? Je contourne les remparts de la vieille ville et me dirige vers la ville européenne, là où résident les parents de fethi. Plutôt que d'arriver par les ruelles écrasés de chaleur, coincées entre les remparts et les immeubles bâtis sous l'occupation, je coupe au niveau de la place Assad-Ibn-El-Fourat, traverse l'avenue Mohamed-V qui longe le port. Je préfère aborder la ville moderne par la promenade, plantée de palmiers d'un côté et bordée par le port de l'autre. L'air de la mer et les palmes qui se rejoingnent au dessus de ma tête, formant une tonnelle ombragée continue, n'atténuent guère la touffeur ambiante. La bouche ouverte, j'aspire péniblement un air qui brûle mes poumons et me dessèche les lèvres et la gorge... ... En réponse à mon regard interrogateur, fethi désigne, d'un mouvement du menton, l'espace dans mon dos. Je me retourne lentement. L'émotion, s'ajoutant à l'épreuve du feu que je viens de traverser dans les rues de Sousse, me trouble l'esprit, voile ma vue. Mes genoux plient. Fethi est là; il tend un bras secourable auquel je m'accroche. Je rétablis l'équilibre. Mohamed-Ali n'a pas bougé, il a remarqué la sollicitude de mon ami. ses cheveux humides encadrent son visage dont la beauté m'étonne, comme à chaque fois que nous avons été séparé quelques temps. Son regard noir m'observe derrière les mèches brunes qui lui barrent le front. Quelques gouttes d'eau scintillent sur ses épaules, ses bras et sa poitrine. j'ai envie de poser les lèvres sur chacune d'elles, d'y étancher ma soif. Une simple serviette de bain entoure ses hanches minces; la blancheur de l'éponge tranche sur la peau sombre à l'aspect soyeux. Il avance, s'arrête tout près de moi, lève la main vers mon visage. Je brise son élan en pleine course. —Comment m'as-tu retrouvé ? —Même Ftima devient bavarde dès lors que c'est moi qui le presse de parler. Je l'écarte sans brusquerie, le regarde sans bienveillance. —Moi aussi j'ai besoin d'une bonne douche,dis-je en quittant la pièce sous son regard ironique...